Renaud, putain de vie
par Claude Fléouter
livre sorti le 12 janvier 2012
Description
Claude Fléouter publie le livre Renaud, putain de vie, aux éditions Fetjaine dans leur collection Documents et Biographies le 12 janvier 2012.
Livre broché de 160 pages de format moyen (22,5 cm x 14,00 cm), commercialisé au prix éditeur d'environ 16
euros.
Ce livre présente une biographie de Renaud en 17 chapitres non-titrés. Il est
enrichi de quelques documents et photographies : 17 photos, en petit format, sur papier glacé, une partie en noir et blanc
qui sont des photos familiales montrant Renaud enfant avec des membres de sa
famille, et une partie en couleur plus récentes, avec notamment ses frères et sœurs.
Les documents comprennent :
- Un dessin en couleur de Renaud titré "Le pont de la rivière".
- Un poème non-titré écrit par Renaud en classe de 3éme au collège en
1966 pour le journal scolaire "Le canard déchainé"
- Une page d'un polar écrit par Renaud en 1962 "La troisième évasion
de Brown".
- Une lettre très critique, adressée à Serge July, directeur du journal
Libération.
- Une carte postale à son frère Thierry Séchan autour de la période
"Boucan d'enfer".
Thierry Séchan a écrit un préface et une post-face pour ce livre, qui ont
été diffusées avant la sortie du livre via le site web Purecharts et qui sont
à lire ci-dessous :
- Préface "Lettre à mon frère" diffusée le 10/112011.
- Postface "Lettre à mon frère (suite et fin) diffusée le
4/1/2012.
Anecdote
Dans un
interview accordé par Thiery Séchan au Nouvel Observateur le 16/11/2011 celui-ci dit :
Et puis il y avait ce livre de Claude Fléouter ("Putain de vie", NDR) qui était
moyen... On m'a demandé une préface, un peu noire, il est vrai. Puis on m'a
demandé une postface, bien payée, qui était plus rose et optimiste. Parce que
rien n'est perdu.
Présentation par l'éditeur
Une biographie intime, enrichie de nombreux documents et photos, brossant le portrait poignant d'un grand artiste à la dérive.
"Depuis quelques temps, rien ne va plus", écrit Thierry Séchan, son frère, dans sa lettre à Renaud en ouverture de cet ouvrage. Tes vieux démons ont repris le dessus. La déprime est là, omniprésente. Que faire ? Te regarder sombrer, les bras croisés ? Inimaginable ! Pour reprendre le slogan que tu avais fait imprimer dans Libération, en 1988, pour inciter Tonton à se représenter : " Renaud, laisse pas béton ! "
Cette biographie de l'un de nos plus grands chanteurs, écrite avec la collaboration active de Thierry Séchan, est une rencontre avec un artiste qui se laisse couler. Illustrée de documents manuscrits et de photos inédites, on y suit le parcours de Renaud depuis son enfance : la trajectoire du père, professeur et auteur de romans policiers ; mai 68 ; la mer quand il prend le large avec son bateau ; le séjour à Moscou au milieu des années 60 ; la nostalgie du temps qui passe ; la perte d'idéaux ; la perte d'amis comme Coluche, Pierre Desproges, Serge Gainsbourg ; le " renard ", c'est-à-dire la dépression, la solitude ; l'alcool ; sa femme qui le quitte à la fin des années 90 ; la renaissance à partir de 2002 ; la rencontre avec la chanteuse Romane Serda qui devient la nouvelle femme de sa vie ; sa fille, Lolita, qui se marie avec le chanteur Renan Luce, etc.
Pleine d'émotion, cette biographie illustrée est un cri d'amour et un cri d'alerte envers un artiste d'exception.
Biographie de l'auteur
" Claude Fléouter connaît son affaire ", nous dit Eddy Mitchell. Critique musical au journal Le Monde pendant vingt-cinq ans, Claude Fléouter a fondé les Victoires de la musique variétés en 1985 et les Victoires de la musique classique en 1994. Il a obtenu un Award aux Etats-Unis et le Prix du journalisme franco-allemand (1995). Il a écrit une dizaine d'ouvrages et réalisé plus de 80 films dans le monde.
Préface du livre
Préface "Lettre à mon frère" du livre écrite par le frère de Renaud, Thierry Séchan :
Mon bien cher frère,
Cela fait des années que je ne t'ai pas écrit.
Si ma mémoire est bonne, mes dernières lettres remontent au début des années soixante-dix, lorsque tu avais quitté Paris (mais quitte-t-on jamais Paris ?) pour t'installer en Avignon. Dans les premiers temps, tu avais été hébergé dans l'appartement de notre tante Madeleine, femme médecin attachante et pittoresque. Elle t'avait inscrit au cours Pigier. Toi, le poète, l'artiste, le saltimbanque, au cours Pigier ! Heureusement, cela ne dura pas. Après quelques mois passés dans un studio, en compagnie d'un chaton et de jolies autochtones, tu remontas à Paname dont tu étais toujours amoureux.
À Paris, ce fut la ronde des petits boulots : vendeur de fringues, apprenti garagiste, libraire. Pour arrondir tes fins de mois, tu chantais dans les rues, les cours d'immeubles (qui rapportaient gros, à l'époque où les femmes étaient au foyer et s'y ennuyaient ferme), le métro. C'est là précisément que deux jeunes producteurs, Jacqueline Herrenschmidt et François Bernheim, te remarquèrent. En studio, ils te demandèrent de leur chanter tout ton répertoire, ce que tu fis d'autant plus volontiers que celui-ci à l'époque était plutôt maigrelet. Les deux producteurs retinrent la quasi-totalité de tes chansons.
Et ce fut "Amoureux de Paname", où figurait l'emblématique "Hexagone". J'avoue que ce premier album me laissa? perplexe. Tu ne chantais pas très bien, tes musiques étaient plutôt frustes (trois chansons en do-sol septième !) et tes paroles? Certes, c'était original, mais c'était aussi un peu bancal.
Quatre mille exemplaires vendus. C'était peu, bien sûr, mais ce n'était pas l'essentiel. L'essentiel, c'était que des critiques (Jacques Erwan, notamment) avaient tendu l'oreille. L'essentiel, c'est que des maisons de disques concurrentes de Polydor (Barclay en premier lieu) avaient bien envie de te « signer », toi, si atypique, si étranger à toute la production de l'époque.
Mais tu resignas chez Polydor, et ce fut "Place de ma mob", l'album qui te lança définitivement. Outre le tube "Laisse béton", l'opus contenait quelques petits chefs-d'?uvre d'humour et de poésie, tels que "Germaine", "Adieu minette", "Je suis une bande de jeunes", "Les Charognards" ou "La Bande à Lucien".
Peu de temps après la sortie de "Place de ma mob", tu fus programmé au théâtre de la Ville. Lorsque je te vis apparaître sur scène, je sus que tu allais devenir un grand artiste français, peut-être le plus grand.
La machine était lancée et elle ne s'arrêterait plus, à moins que tu n'en décides autrement.
En 1980, tu sortis "Marche à l'ombre", un album d'une rare violence. Cette fois, le gentil loubard était devenu l'ange noir, comme en témoignait la pochette. De "Marche à l'ombre" à "Où c'est que j'ai mis mon flingue ?", tu déclinais toutes les violences, des plus pittoresques ("L'Auto-Stoppeuse") aux plus déchirantes ("Mimi l'ennui"). Succès considérable.
Après le merveilleux Bobino, après l'Olympia, c'est au Zénith que tu vas triompher, ce Zénith que François Mitterrand, notre cher président, inaugurera en ta présence en 1984.
En 1982, ce fut "Le Retour de Gérard Lambert", un album un peu moins réussi que le précédent, mais d'une excellente facture. On retiendra le tonifiant "Mon beauf", les déchirants "Manu
et La Blanche", ou encore le roboratif "Étudiant poil aux dents".
À l'été 1983, avec Jean-Louis Roques, ton accordéoniste fétiche (tous les autres musiciens étaient américains), tu t'envolas pour Los Angeles, la mégapole inhumaine. Là, tu allais enregistrer l'un de tes plus beaux disques, "Morgane de toi" (musique du regretté Franck Langolff), ton premier album à passer la barre du million d'exemplaires. Un album drôle, émouvant, poétique.
La suite fut moins heureuse. Tu avais accepté ? avec mon approbation, hélas ? de participer au Festival international des jeunes et des étudiants à Moscou. Et ce fut une catastrophe. Ton concert se déroule en plein air, devant six mille spectateurs triés sur le volet. Sans être enthousiastes (les Russes ne te connaissent pas, après tout, même si on a distribué aux invités des traductions de tes textes), l'accueil est poli. Mais, en milieu de récital, au moment précis de "Déserteur", quand tu chantes « Quand les Russes, les Ricains / F'ront sauter la pla- nète », deux mille spectateurs se lèvent et quittent les lieux. Humiliation.
À la fin du concert, en coulisses, tu laisses exploser ta colère devant les organisateurs. Mais le mal est fait. D'autant qu'une équipe de FR3 a tout filmé? Après la diffusion en France, sarcasmes et quolibets fuseront. Ce fut ta première blessure, le début d'un profond malaise qui allait marquer ta vie. Par la suite, tu m'appris que tes angoisses étaient beaucoup plus anciennes, ce dont je pris acte. Ton malaise perdura, augmenta, jusqu'à atteindre son paroxysme vers 1995.
Puis tu repris tes tournées, de Zénith en Zénith, tournées harassantes mais triomphantes. Désormais, ton public était intergénérationnel, tous âges et toutes classes sociales confondus.
En 1985, tu repartis enregistrer à Los Angeles. Cette fois, j'étais du voyage. Depuis trois ans, en effet, j'étais « directeur artistique » de tes éditions musicales. Pour toi, c'était une façon comme une autre de me sortir de la mouise. Appartement de fonction dans le Marais et carte bleue société qui me permettait d'entretenir, midi et soir, tous les parasites du quartier.
Toi et moi étions accompagnés par Jean-Philippe Goude, brillant arrangeur et réalisateur, mais aussi, hélas, sinistre compagnon de voyage. Si je me souviens bien, je ne crois pas l'avoir vu sourire une seule fois. N'importe. Son rôle dans la réalisation de cet album mythique fut prépondérant. Ambiance un peu tristounette, donc. Il te manquait une ou deux chansons. Par un bel après-midi californien je te vis écrire et composer à la guitare, en moins d'une heure, sur un canapé du studio, ton pur chef-d'oeuvre, "Mistral gagnant". Goude eut l'idée de génie (après coup cela paraît évident) de transcrire le morceau pour le piano. Avec les fameuses petites notes d'introduction et de conclusion.
Hélas, je ne vis pas la fin du disque. Au bout de quinze jours, établissant le bilan de notre « collaboration », je réalisai que je n'avais pas écrit une ligne et pas lu un seul livre en trois ans? Cela ne pouvait plus durer. Je te laissai un petit mot dans notre appartement et je filai à l'aéroport, direction Paris. Adieu, le logement de fonction ! Adieu, la carte bleue société ! Mais bonjour, ma liberté !
Le succès de "Mistral gagnant" fut triomphal. Une fois de plus, tu dépassas allègrement la barre du million d'exemplaires. Virgin, ta nouvelle maison de disques, rayonnait. Pour autant, tu n'allais guère mieux. Toujours ce même vague à l'âme, toujours ce désir d'oublier (quoi exactement ?) et, de plus en plus souvent, de noyer ton imparable malaise dans soixante-quinze centilitres d'alcool.
D'autant que les années à venir n'allaient pas être roses. À quelques mois près, tu perdis ton grand ami Pierre Desproges, puis ton vieux pote Coluche, le parrain de Lolita. C'est à Coluche que tu allais dédier "Putain de camion", un album noir, au propre et au figuré (la pochette était toute noire, avec juste un bouquet de coquelicots au milieu), un album qui se vendit beaucoup moins bien que les deux précédents, pour l'excellente raison que tu avais refusé d'en faire la promotion.
Et tu déclinais? L'alcool devenait plus régulier, il te faisait office d'antidépresseur. Tu étais gagné par la paranoïa. Bientôt, Dominique ne put plus supporter cette vie. Elle te pria de déménager. Tu t'installas dans un grand appartement juste au-dessus de la Closerie des lilas. Naturellement, tu ne pus y vivre seul? Et c'est ainsi que, quelques semaines après, je vins habiter avec toi dans ce logement de deux cent trente mètres carrés.
Cinq ans sans dessaouler, ou presque. Cinq ans dans une solitude extrême, malgré la présence constante de tes proches. Et ton public qui attendait, qui attendait ton retour, un nouvel album, ton public presque aussi désespéré que toi?
Enfin, il y eut la bouée, le canot de sauvetage, sous la forme d'une jolie chanteuse nommée Romane Serda. Tu en tombas éperdument amoureux, tu produisis son album, tu l'épousas, tu lui fis un bel enfant, Malone. Surtout, tu enregistras "Boucan d'enfer", un magnifique album qui se vendit à plus de deux millions d'exemplaires.
Hélas, depuis quelque temps rien ne va plus. Tes vieux démons ont repris le dessus. Ton couple se délite, l'alcool a refait son apparition? La déprime est là, omniprésente. Tu dis à qui veut l'entendre que tu ne peux plus chanter. Je n'arrive pas à y croire. Un artiste n'arrête jamais de créer, voyons ! À moins qu'il ne se suicide, bien sûr? Mais il est vrai que ton comportement actuel s'apparente à un lent suicide, un suicide à petit feu. Que faire ? Te regarder sombrer les bras croisés ? Inimaginable ! Pour reprendre le slogan que tu avais fait imprimer dans " Le Matin de Paris" en 1988 afin d'inciter Tonton à se représenter : « Renaud, laisse pas béton ! »
Postface du livre
Post-face "Lettre à mon frère (suite et fin) du livre écrite par le frère de Renaud, Thierry Séchan :
Mon bien cher frère,
Puisque j’ai préfacé cet ouvrage, je puis aussi bien le postfacer, ne
serait-ce que pour ajouter une note rose à ce tableau un peu noir de ton
existence actuelle. Bien sûr que c’est beau, le noir, le
noir du drapeau de toutes les révoltes, plus beau que le jaune si souvent évoqué
ici, sous forme d’anisette. Mais le rose, le rose
bonbon, le rose des lèvres des petites filles, le rose de « la vie en
rose », n’est-ce pas plus joli ? D’autant que ta vie ne fut pas toujours
aussi morose. Les doutes, les angoisses, puis la dépression,
tout cela ne survint qu’au milieu des années quatre-vingt. Avant
tout fut beau ! Souviens-toi : comme elle fut douce, notre
enfance ! Des parents merveilleux, et six frères et sœurs qui
s’adoraient. Cela n’a pas changé, du reste. Et notre adolescence !
Généreuse, voyageuse, rebelle. Quant à tes vingt premières
années de carrière, tu ne vas pas me dire que tu les regrettes !
Chaque album, chaque tournée, te faisaient gravir une marche
de plus dans le cœur du public, t’inscrivaient un peu plus dans
le patrimoine de la chanson française. Un parcours exemplaire !
Ah, notre enfance ! L’école, les copains, nos vacances
nomades, dans la Drôme ou à Vialas, au cœur de notre chère
Lozère. On a dit de toi que tu étais un « poète de la rue ». Le
grand Frédéric Dard a pu écrire que tu faisais « le boulot de
Verlaine avec les mots de bistrot ». En fait, moi, je pense que tu
es un poète tout court en chanson et dans la vie. Dans les
années cinquante (tu devais avoir quatre ou cinq ans), un jour
que nous étions en voiture sur une petite route de Lozère, avisant
une montagne déchiquetée, tu demandas : « Pourquoi la
montagne elle est cassée ? » Silence embarrassé de nos parents.
Comment expliquer à un gamin de quatre ou cinq ans le phénomène
de l’érosion ? J’imagine que mon père botta en touche.
Quelques années plus tard, toujours en été, nous avions loué
une grande maison à Vialas, ce qui nous avait permis d’inviter
nos chers « Pépé » et « Mémé ». Ah, l’admiration que nous avions
tous pour Pépé, le fameux Oscar de ta chanson ! Grand et fort, le
regard bleu des hommes du Nord, la prestance d’un Gabin ou
d’un Maurice Chevalier. Le premier jour des vacances, nous assistâmes,
muets d’étonnement, au petit déjeuner du grand homme.
Assis à une table, sur la terrasse, il avait devant lui un bol de café,
des tartines, du beurre, du saucisson à l’ail, du pâté de campagne
et… une bouteille de vin rouge ! Ça c’était un homme !
Malgré la différence sociale (la plupart des vacanciers étaient
professeurs, médecins, commerçants…), notre grand-père était
apprécié par tout le monde. Sa gentillesse et son sourire charmeur
compensaient largement son manque d’éducation.
Une enfance heureuse, dans une France profonde qui n’était
pas encore la jungle qu’elle est devenue.
Et notre adolescence ! Notre fière adolescence ! T’en
souviens-tu ? Tu avais vingt ans, j’en avais vingt-trois, et nous
vivions notre époque de « dandy » cheveux longs et blonds,
chemises blanches 1900, redingotes et cuissardes. Le soir, nous
déambulions entre le Sélect (pour l’apéritif), La Coupole (pour le
dîner), puis le Rosebud, jusque tard dans la nuit, parlant à tout
le monde, un verre dans une main, une cigarette dans l’autre.
Ah, les nuits de Montparnasse !
Et nos voyages ! C’est moi qui te fis découvrir la Grèce, où
tu me retrouvas en 1975.
Patmos la blanche…Patmos de saint Jean l’Apocalypse.
L’Apocalypse, à une époque où nous vivions comme des
princes pour l’équivalent de dix euros par jour. Nous nous
nourrissions de salades grecques et de petites brochettes, et
puis nous buvions ouzo sur ouzo, une sorte de Pastis grec. Tu
étais venu avec ton premier 45 tours (Hexagone), et le propriétaire
du bar du village avait accepté que tu places ton disque
dans son Juke-Box. On peut dire que les Grecs de Petros
entendirent tes chansons (si je ne me trompe, il y avait aussi,
en face B, Société, tu m’auras pas) avant les Français…
Cette année-là, Dominique était venue avec toi. La belle, la
radieuse, la lumineuse Dominique – Domino pour les intimes.
Quelques années après, tu lui consacrais une bien jolie chanson,
Ma gonzesse, un petit chef-d’œuvre d’humour. La plus
belle fille de Petros, assurément.
L’année suivante (à moins que ce fût la précédente…), Martin
Lamotte nous avait rejoint. Je crois que je n’ai jamais autant ri
de ma vie, d’autant que tu lui donnais la réplique à la perfection.
Puis le succès t’arriva, par hasard, comme une divine surprise. Il
suffit qu’un animateur de radio s’entichât de Laisse béton pour que
le titre devienne, en quelques semaines, numéro 1 au hit-parade.
Dans les années qui suivirent, tu enchaînas succès sur succès,
remplissant les salles, passant de Bobino à l’Olympia, puis
du Zénith à Bercy.
Et Los Angeles, tu t’en souviens ? Pas le premier séjour
(enregistrement de Morgan de toi), le second. Je t’accompagnais,
en studio comme à la ville. C’est là que tu enregistras
Mistral gagnant, ton chef-d’œuvre absolu, une des plus belles
chansons de tous les temps.
Par un bel après-midi, nous roulions dans ta Porsche de
location lorsque tu me signales qu’une voiture de police
nous suivait en faisant des appels de phare. « Nous n’avons
commis aucune infraction, te dis-je naïvement. Continue ! »
Fort heureusement, tu fus plus prudent. Tu t’arrêtas sur le
bas-côté. Aussitôt, quatre flics encerclèrent la Porsche. On te
fit comprendre que tu devais garder tes mains sur le volant.
Puis l’on nous extrayait gentiment de la voiture.
Toi et moi, à quelques mètres l’un de l’autre, nous fûmes
interrogés par les policiers. « Nous sommes français, expliquai-je,
mon frère est un chanteur célèbre qui enregistre un nouvel
album à Los Angeles ». « Ce monsieur n’est pas français »,
m’assura l’un des crétins galonnés. « Comment ça, il n’est pas
français ? M’insurgeai-je. Et son accent alors ? » Avec la certitude
d’un grand linguiste, le tueur appointé me répondit :
« C’est un faux accent français. » Les bras m’en tombèrent. Soudain
je réalisai que nos flics parisiens étaient des intellectuels à
coté de ses cops californiens. Le cirque dura près d’une heure.
Enfin, sans un mot d’excuse, on nous rendit nos passeports en
nous expliquant rapidement que tu ressemblais à un dealer
recherché dans tout L.A. Toi, dealer ! Dealer de poésie, de
révolte et d’humour, peut-être, mais de drogue, no chance. Il
suffit d’écouter La Blanche ou P’tite conne pour s’en convaincre.
Tu rentras à Paris avec ton plus bel album sous le bras, tu rentras
direction La Closerie des lilas. Étienne Roda-Gil était là,
notre ami poète, le plus grand parolier français, alcoolique et
anarchiste, généreux et hâbleur, un seigneur. Généreux, toi, tu le
fus plus que personne. Grâce à toi, le partageur, nos quatre frères
et sœurs ont eu un bel appartement. Moi, non. Comme le Prince
de Ligne : j’ai dépensé quatre-vingt dix pour cent de ma fortune
en alcool et en femmes, le reste, je l’ai gaspillé. » Notre cher frère
David ne m’a-t-il pas surnommé « Gaspille le magnifique » ?
Aujourd’hui, je te vois envahi par le « soleil » noir de la
mélancolie j’ai du mal à le supporter, tu sais. Mais je suis sûr
que tu vas rebondir, il ne peut en être autrement. Tu as encore
de belles chansons à écrire, mon frère. Non, vraiment, l’auteur
du Mistral gagnant ne sera jamais un « ménestrel perdant ».
L'auteur
Critique musical au journal Le Monde pendant vingt-cinq ans, Claude Fléouter a fondé les Victoires de la musique variétés en 1985. Spécialiste de la chanson, il a écrit plusieurs ouvrages sur la chanson française et des biographies de chanteurs. Auteur-producteur et réalisateur de télévision, il avait notamment réalisé en 1988 le documentaire "Un siécle de chansons" dans lequel Renaud est visible.
En 1988, Claude Fléouter avait publié le livre "Un siécle de chansons" (aux Presses Universitaires de France) que Renaud avait préfacé.
Références
Claude Fléouter - Renaud, putain de vie - Editions Fejtaine (groupe La Martinière) - 2012
ISBN-10: 2354253923
ISBN-13: 978-2354253929
Ressources
Argumentaire de l''éditeur avant sortie du livre (novembre 2011) - Format PDF 1 page
Pour discuter de ce livre
Voir le post
[livre]Renaud, putain de vie - janvier 2012 du
forum du site web Le HLM des fans de Renaud.
Autres livres sur Renaud
Livre précédant paru sur Renaud :
Renaud, et s''il n''en reste qu'un, par Alain Wodrascka - 2011.
Voir la section
Bibiothèque de notre site
Le HLM des fans de Renaud.