Introduction

(traduction de l'anglais au français par Lydwine Fournier)

 

    Au cours des vingt-cinq dernières années, le chanteur - compositeur français Renaud a émergé comme un guide de l’interprétation de la chanson sociale dans son pays, une tradition riche et diversifiée de chanson populaire qui a aidé à rallier, éduquer et galvaniser les groupes délaissés par la société française depuis la première moitié du 19e siècle. Renaud devient bien connu dans la seconde partie des années 1970 en chantant sur les zonards (jeunes délinquants) des lotissements de la banlieue de Paris. Depuis lors, il a ajouté une rangée de thèmes, du service militaire et la dépendance à l’héroïne à la destruction de l’environnement et de l’impérialisme capitaliste dans le Tiers-Monde. Son répertoire comprend des chansons d’amour, des chansons idiotes (genre comique), des chansons réalistes traditionnelles de la Belle Epoque et des années d’entre guerre et des chansons de son idole, Georges Brassens. Il a produit une série d’illustrations charmantes et naïves pour accompagner ses propres chansons. Il a aussi joué en tant qu’acteur, plus notablement dans le rôle d’Etienne Lantier, dans le film de Claude Berry de 1993, une adaptation à l’écran du Germinal de Zola. Il a écrit un livre pour enfants intitulé : La petite vague qui avait le mal de mer (1989) de même qu’une colonne régulière pour Charlie Hebdo, l’hebdomadaire satirique de gauche. En tant que franc supporter de nombreuses causes minoritaires, il a récemment rejoint la liste des Régions et Peuples Solidaires, menée par l’autonomiste corse Max Simeoni lors des élections européennes de 1994.

 

    Renaud est tout d’abord connu pour son anarchisme provocant et son inventivité linguistique qui caractérise ses chansons. Il a provoqué le courroux des politiciens de gauche et de droite. Quelques unes de ses chansons ont été complètement bannies, d’autres ont eu peu ou pas de succès. Cependant, il a atteint un spectaculaire succès critique et commercial. En 1981, ses rentrées d’album généraient le 45 % des profits annuels de Polydor. Ses paroles sont étudiées dans les départements français des universités partout dans le monde et ont été largement utilisées comme une source primaire par les auteurs du dictionnaire de l’argot publié par Larousse en 1990. Ses chansons ont été mises en bandes dessinées par d’importants auteurs du genre. 31% des personnes interrogées d’un sondage du Nouvel Observateur parmi les 16 à 22 ans pendant des démonstrations d’étudiants de décembre 1986 choisirent Renaud comme leur modèle préféré parmi une liste de personnalités publiques. Courtisé par le Parti Socialiste français et par le Ministre de la Culture Jack Lang, Renaud a néanmoins été injurié par nombre de membres de gauche aussi bien que par les intellectuels de droite, pour qui son succès accroît le déclin de la haute culture et la déchéance de la jeunesse française.

 

    Cette thèse tend à comprendre la signification de l’image de la délinquance dans les premières chansons de Renaud, depuis les jours emportés de Mai 68 jusqu’à sa consécration en tant que star populaire à la fin des années 1970. Ses chansons étaient formées sur l’influence de divers facteurs, incluant le milieu familial de Renaud, ses expériences comme étudiant révolutionnaire en Mai 68, les cercles sociaux marginaux qu’il fréquentait au début des années 70 et ses expositions fortuites vers une rangée de styles de musique populaire. Elles offrent un compte détaillé et fréquemment controversé de publications contemporaines en même temps qu’elles fournissent une vision fascinante sur l’itinéraire d’un ancien soixante-huitard (participant au mouvement de Mai 68).

 

    La description de Renaud lui-même comme un " auteur par plaisir, compositeur par nécessité, interprète par provocation " en même temps qu’intentionnellement facétieux contient un élément de vérité. Comme la classe ouvrière des " chansonniers " (auteurs sociaux) du 19e siècle, il a utilisé la chanson populaire primitivement comme un moyen de convoyer un message verbal. Mon analyse englobe donc le contenu thématique et linguistique des paroles de Renaud. Je démontre d’autres aspects de son art, tels que les styles de musique et la performance, quand ceux-ci ajoutent à la signification thématique des chansons. Je mentionne aussi, où c’est possible, les réactions publiques face aux chansons de Renaud ; cependant, comme Peter Hawkins le constate avec raison "  une étude sociologique de la réception de la chanson par différents milieux serait énormément dispendieuse en termes de ressources et de temps et bien au-delà des significations de la recherche individuelle. "

 

    Les paroles de Renaud ont été publiées dans de nombreuses collections. La première, maintenant épuisée, fut publiée par Gérard Lebouci aux Editions Champ Libre en 1980 sous le titre Sans zikmu. Les Editions du Seuil publièrent une nouvelle collection en 1986 intitulée Mistral Gagnant : chansons et dessins qui furent incorporés deux ans plus tard dans une édition à grande échelle : Le Temps des Noyaux. Les traductions (en anglais) sont les miennes, j’ai essayé, dans la mesure du possible, de capturer l’essence générale du style de Renaud, bien que beaucoup de ses chansons contiennent des références culturelles, des rimes et des jeux de mots qui ne peuvent pas être facilement rendues en anglais. J’ai ajouté des notes explicatives quand nécessaire.

 

    La plupart des détails concernant la vie personnelle de Renaud sont tirées de trois biographies autorisées de Jacques Erwan (1982), Régis Lefèvre (1985) et le frère aîné de Renaud, Thierry Séchan (1989) et d’interviews avec Renaud menées par Laurent Boyer pour la chaîne de télévision M6, en 1991, et par moi-même, en février 1992. Il y a eu peu de travail scolaire publié sur Renaud. Heinrich Voklhard a écrit une petite analyse textuelle d’une chanson, Les charognards et Christian Schmitt a exploré la dimension sociale de l’écriture de Renaud à travers une étude linguistique d’une autre chanson, Dans mon HLM. Le linguiste et théoricien français de la chanson populaire, Louis-Jean Calvet a écrit une série d’articles sur la contribution de Renaud à l’expression du français parlé. Beaucoup a aussi été écrit sur Renaud dans la presse musicale francophone.

 

    Les quotas de sources secondaires françaises sont traduites en anglais dans le corps principal de cette thèse et reproduits dans leur forme originale en note de bas de page.


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