Lolito
Lolita
(Paroles
& musique de Renaud Séchan, 1994.)
"C'est
presque une chanson des années 50-70" déclare Renaud à propos de Lolito
Lolita.
Il est vrai que sa façon d'écrire, de structurer ses textes est très désuète.
Dans
cette chanson, Renaud passe le relais de la révolte à sa fille, Lolita.
Il est maintenant grand temps. Car dans cette grande pyramide - la hiérarchie
de la société -
tout en bas, les plus nombreux n'ont pas d'autre choix que "cette vie de
misère et d'effroi"...
Renaud
fait l'énumération des différentes classes sociales de cette pyramide :
les damnés ("Debout ! Les damnés de la terre !" est dit dans L'Internationale),
le prolétariat méprisé par les bourgeois, trahi par les syndicats. Viennent
aussi les soldats :
"Pour protéger l'Etat / La
propriété, la loi /
Ils piétineront tes droits / Lolita"
Et
puis, curés et prélats, complices du pouvoir. Tout en haut règnent les rois,
anti-démocratiques.
Une fois de plus, Renaud crache sur la presse : "Leur putain, c'est les
médias".
"Vas-y
Lolita, renverse la pyramide !" semble crier Renaud à sa fille. Mais il
veut lui faire comprendre
qu'elle ne sera pas plus libre quand le peuple règnera car "les hommes
entre eux sont bien
pires que les rats". D'ailleurs, les vraies dernières paroles étaient à
l'origine
"Renverse la pyramide, tous les hommes seront libres quand le peuple règnera".
Il y renoncera. Le dernier couplet exprime très bien pourquoi :
que ce soit le peuple ou les rois ou les présidents
qui règnent, les gens ne
seront pas plus libres.
Et puis, il y avait le côté péjoratif de la dictature du prolétariat. Renaud
s'explique :
"De toutes façons, quand on renverse une pyramide,
elle s'écroule et elle
reconstitue une pyramide,
donc j'ai voulu miser sur le fait que le combat était éternel
et qu'il y aurait
toujours des Bastilles à faire tomber.
La victoire n'est jamais définitive."
Avec
tous ces mots, la chanson a des allures de Jeune Garde.
Ceux qui pensaient que les chanteurs actuels avaient abdiqué en laissant le
champ libre aux grands anciens peuvent aller se rhabiller.
Une vraie chanson
engagé dotée d'un sublime arrangement de
Christophe Mac-Daniel renforcé par
des polyphonies corses.
Notamment le chanteur Petru Guelfucci,
un ami corse de Renaud. Trois voix sublimes reprennent en Corse avec brio
le dernier vers conclusif, "les hommes entre eux sont bien pires que les
rats" :
"chi l'omi in trà di elli
/ so peghju ché i topi.
che
gli uomini tra di loro / sono peggio che i topi."