Petite fille des sombres rues
(Renaud Séchan)

Non, ne crois pas, fillette,
me retenir encore
dans tes rues sans violettes,
dans ton triste décor.
N'essaie pas de me suivre,
déserte mes rivages,
loin de toi, je veux vivre
de plus beaux paysages.

Petite fille des sombres rues, éloigne-toi,
petite fille aux yeux perdus, tu m'oublieras.


J'ai trop longtemps vécu
dans de pauvres ruelles,
trop longtemps attendu
un petit arc-en-ciel.
J'ai besoin de soleil
et d'horizons moins gris,
je veux voir les merveilles
que, près de toi, j'oublie.

Petite fille des sombres rues, éloigne-toi,
petite fille aux yeux perdus, tu m'oublieras.


Je ne suis pas de ceux
que chasse la lumière
et qui vivent heureux
un éternel hiver.
De l'amour je ne veux
que les filles des rivières,
lorsque j'aime les yeux,
j'aime aussi la chaumière.

Petite fille des sombres rues, éloigne-toi,
petite fille aux yeux perdus, tu m'oublieras.


Nos chemins se séparent,
entends, la vie m'appelle,
je quitte tes trottoirs
et tes grises dentelles.
Je pars pour des royaumes
où l'on m'attend peut-être,
où le bonheur embaume
et donne un air de fête.

Petite fille des sombres rues, éloigne-toi,
petite fille aux yeux perdus, tu m'oublieras.


Laisse-moi m'en aller,
je n'ai plus rien à dire,
mais si tu veux pleurer,
n'essaie pas de sourire.
Retourne dans ta nuit,
au fond de tes faubourgs,
retourne dans l'ennui
qui habite tes jours.

Petite fille des sombres rues, éloigne-toi,
petite fille aux yeux perdus, tu m'oublieras.




© 1974