Le HLM des fans de Renaud, remercie Virgin France pour sa collaboration.

En exclusivité sur le HLM des fans de Renaud , découvrez « Hexagone 2001, rien n'a changé » et des extraits audio.

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Depuis les débuts du rap en Français dans les années 80, rien n’a changé dans l’attitude méprisante des décideurs face à la parole des banlieues. Quand on parle de culture rap, ils sont encore nombreux à sortir leur revolver.

Renaud est-il toujours rebelle quand il vend des disques? C’est le genre de question que se posaient certains intellectuels de gauche quand le chanteur au blouson noir commença à prendre une ampleur nationale. Qu’on puisse écrire " Mistral Gagnant " après avoir beuglé " Société Tu M’Auras Pas " sonnait comme une trahison aux oreilles des ayatollahs de la rébellion politiquement correcte. Vingt ans après ses débuts, Renaud dérange toujours. Rien n’a changé. Renaud et le rap : au moins quelques points communs, à la base.

Et si on se penche sur les textes " historiques " de Renaud, on s’aperçoit que notre époque n’est pas si moderne que ça : aucun artiste français n’a écrit un brûlot de la force d’ " Hexagone " depuis les années 70. Ou alors le Ministère Amer avec " Sacrifice De Poulet ", suivi du procès que l’on sait !

A force de percevoir tant de points communs entre les mots de révolte d’hier et l’expression d’une colère d’aujourd’hui, ça a commencé à donner des idées à certains. Dont Doc Gynéco, à l'avant-garde du projet puisqu'il fit une reprise d'"Hexagone" en compagnie de Renaud lui-même pour sa compilation "Liaisons Dangereuses". Et dont  Mitch  Olivier, mixeur-ingénieur du son qui a travaillé avec Bashung et le Secteur Ä, lui aussi à l’origine de ce concept iconoclaste et pertinent qu’est " Hexagone 2001/Rien N’A Changé ".

Pour lancer "hexagone 2001", Mitch va chercher les vrais, des artistes à la crédibilité incontestée. Pas de patronage œcuménique mais des rappers hardcore posant sur des tueries musicales qui rendent aux mots de Renaud leur actualité brûlante. Le premier morceau enregistré donne le ton : " Où C’Est Qu’J’Ai Mis Mon Flingue " est relooké par Big Red (l’ex chanteur de Raggasonic) sur fond de fusils à pompe et de beats énervés. Détail comique : Big Red, qui fit récemment une reprise du monument gainsbourien " Aux Armes Etc ", se retrouve à chanter " La Marseillaise même en reggae/Ca m’a toujours fait dégueuler ". Rébellion et auto dérision.

Les têtes brûlées de Mantes La Jolie (78), Expression Direkt, endossent comme un costard sur mesures " Société Tu M’Auras Pas ", et on aura du mal à convaincre les fans du groupe que les mots crachés par Weedy, Kertra, Tintin et Delta datent d’une vingtaine d’années.

Quand Less Du Neuf’ se réapproprie "Les Charognards", le parallèle entre les années Jacques Mesrine et les années Khaled Kelkal devient terrible. Comme dans un polar en stéréo, les mots deviennent des zooms sur le héros tragique, pitoyable braqueur en train de crever sur le trottoir sous les insultes racistes d’une foule poujadiste. Le film n’a pas pris une ride, il s’est même bonifié avec le temps.

Quand au Saïan Supa Crew, qui n’était pas encore disque de platine au moment d’enregistrer " Marche À L’Ombre ", il se lance dans une version freestyle fidèle au texte et à l’esprit de cet hymne banlieusard. Avec un final dans lequel le rapper Leeroy Keziah se livre à une surprenante imitation de Renaud, qui a plongé ce dernier dans la perplexité. Foutage de gueule ou hommage ? Reprise nickel en tout cas.

On aurait aussi pu évoquer Oxmo Puccino, qui bossa avec Jacques Doillon sur la B.O. de " Petits Frères " et reprend ici le touchant " Je Suis Une Bande de Jeunes " , Rohff et sa version de " Deuxième Génération " et le collectif La Brigade qui se charge du célèbre " Marchand De Cailloux ". Et puis tous les autres: Disiz La Peste qui fait revivre la banlieue des années 80 ("Dans Mon HLM"), les NAP très agités sur "Fatigué", K.Ommando Toxic allié au jeune Mathieu Ruben pour un "Etudiant Poil Aux Dents" aux relents ragga, Rocca le latino avec un "Mort Les Enfants" qui semble avoir été écrit pour lui, et aussi MC Jean Gab-1 pour le quintessentiel "Laisse Béton". Sans oublier le final à la nitro: une version ultra hardcore d'"Hexagone" par un collectif de fous furieux (Cynéfro, EJM, A. Speak, Awax, F-Dy et Doudou Masta) qui retrouve la violence de l'original dans un nouveau contexte de violents breakbeats.

L’important reste la profonde cohésion du projet, qui s’impose dès la première écoute. Un univers rencontre un autre univers, et la jonction des deux donne naissance à une mutation rapologique inédite. La banlieue d’hier se clashe avec celle de maintenant en une série de chansons redevenues actuelles grâce au talent de leurs interprètes, qui ont su s’emparer des morceaux à Renaud pour en faire les leurs. Comme tous les grands artistes.

Et si le rap était un art ? Un art sous évalué par les mandarins de la culture comme le fut la chanson rebelle de Renaud voilà quelques décennies.

Décidément, rien n’a changé. Ou si peu.

 Olivier Cachin