Écrits par Renaud Charlie-Hebdo, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 23 février 2002.

Un Basque m'a mouché, j'en éternue encore... Renaud dégaine son béret

> Charlie-hebdo N°195 - 13 mars 1996

Un Basque m'a mouché, j'en éternue encore...
Renaud dégaine son béret

En réponse au courrier du lecteur «gréviste, guévariste de vingt ans », paru il y a quelques semaines et bêtement intitulé «Un Basque mouche Renaud», j'ai reçu, du Pays basque, quelques belles lettres que la rédaction de Charlie, hélas, n'a pas daigné publier malgré mon insistance. En désespoir de cause et puisqu'il semble que mes amis basques n'ont même pas droit, dans ces pages, à la place accordée aux animaux abandonnés, je vais donc m'autoriser à vous en livrer quelques passages. Lorsque trois ou quatre membres de Charlie se foutent de moi pour mes larmes sur Tonton, lorsque, dans le même numéro, on publie un courrier des lecteurs m'agressant pour les mêmes raisons, lorsque l'adjudant Sine, après m'avoir vertement allumé, nous bassine avec les lettres de soutien des hooligans de son fan-club, je n'estime pas nécessaire de vous faire part en retour des dizaines de lettres de sympathie que mes chroniques sur Tonton m'ont values. Mais là c'est pas pareil, le Basque courageusement anonyme qui prétendait me « moucher » a surtout énervé et mis en cause les Basques authentiquement de gauche du mouvement Abertzale. Au point que certains se demandent si cette lettre n'est pas simplement une provocation imbécile.

1° Il n'y a pas de problème basque, m'écrit-on, il y a un problème français au Pays basque, comme il y en a eu dans toutes les colonies de l'Empire français : non-respect des institutions propres, de la langue, de la culture et des coutumes, imposition d'un modèle politique et culturel centralisateur et jacobin.

2° Les Abertzales ne sont pas plus nationalistes qu'ils ne sont séparatistes : les Abertzales sont pour la suppression de toutes les frontières depuis la charte d'Itsasu en 1962 et ils se méfient comme de la peste des nationalistes à connotation impérialiste. Les Abertzales, comme leur nom l'indique, sont des patriotes qui défendent leur terre (patrie) sans attaquer celle des autres.

3° II n'y a pas de RPR parmi les Abertzales : il y a des gens de droite, du centre et de gauche qui ne s'entendent pas souvent ensemble. Mais, parmi tous ceux-là, ni franchouillards hargneux et jacobins du style RPR ou PCF, chevènementistes ou internationalistes purs et durs et uniformisateurs du style de ce « gréviste-guévariste de vingt ans».

4° Les Ikastola ont toujours demandé à être intégrés dans Pécole de la République, laïque, obligatoire et gratuite. En fin de compte on leur a accordé le contrat d'association dont les objectifs ont toujours été clairs pour ses partisans et ses opposants.

5° Si l'Église est une institution pourrie il y a des curés qui pratiquent ce qu'ils prêchent et qui, de ce fait, nous rejoignent dans nos combats quotidiens : défense des libertés individuelles et collectives (ignorées par les internationalistes purs et durs), fraternité (partage du gîte et du couvert), égalité...

6° L'indépendance, ce n'est pas se scléroser derrière de nouvelles frontières, c'est le droit de faire chez soi ce qu'on estime devoir faire pour y être heureux sans que des esprits éclairés extérieurs, puissamment « policés » et armés, viennent y mettre leurs grands sabots de banquiers et autres requins de la finance.

7° Les Abertzales de gauche ont créé Askapena, une ONG qui apporte un soutien et une aide énormes au tiers-monde tout en combattant pacifiquement l'exploitation des pauvres par les riches. L'auteur anonyme de la lettre à Renaud a là de quoi s'investir en tant qu'internationaliste de gauche. Askapena organise sur place des chantiers de travail : ramassage de canne à sucre à Cuba, plantation de café ici, maçonnerie ailleurs, etc. Il y en a pour tous les goûts, sauf pour ceux qui s'en branlent. Avec l'énergie que je devine à travers ses propos, je ne doute pas que ce lecteur sera partant pour les travaux les plus pénibles... »

Et toc ! Maintenant si aucun argument émanant d'un militant basque ne vous semble recevable parce que l'ETA pose des bombes, alors bâillonnons aussi les Palestiniens modérés qui militent pour le processus de paix parce que les terroristes du Hamas les discréditent. Refusons le dialogue entre Londres et le Sinn Féin parce que PIRA a repris la lutte armée et laissons crever les Kurdes parce que le PKK joue du flingue. Si la solidarité, comme l'expriment les Bretons à l'égard du peuple basque, était un peu plus réelle partout (et chez Charlie...), je pense que les rangs des militants les plus désespérés et les plus radicaux qui ont choisi la lutte armée s'éclairciraient terriblement et que le gouvernement essaierait de résoudre ce conflit autrement que par la répression la plus dégueulasse.

RENAUD

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