Sortie de nouvel album Blog de Pierre Derensy, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 21 novembre 2009.

Molly Malone de Renaud

leftEn ce moment, mon moral est au plus bas. Plus le temps passe, plus je me lasse. De tout. Je sais que cela ne va pas aller en s'arrangeant. Je sais que mon coté taciturne va prendre le dessus sur mon coté bon vivant. Dans la logique des choses, plus j'en apprends sur tout, moins j'ai envie d'en savoir. Je ne sais pas comment font les gens pour marcher droit toute une vie, la tête haute, le sourire aux lèvres. J'ai horreur de ces insupportables optimistes. Quand on me demande ce dont j'aspire pour mon futur, j'imagine plutôt être assis, dans l'ombre, avec un verre de n'importe quoi sauf de l'eau et pas carbonisé des poumons pour griller encore quelques cigarettes. Surtout ne pas parler, bougonner pour commander.

De la famille j'en ai fais le tour, des amis j'en ai fais le tour, de moi-même j'en ai fais le tour aussi. Je m'estime parfois heureux pour une raison simple : la nostalgie ne m'a pas encore gagné. Quand cette salope viendra sonner le rappel : je serais vraiment dans la cave avec les rats. Ma parade c'est de ne pas me retourner, sur rien. Si je le fais, je suis carbonisé. Je suis une vieille poubelle contaminée, qui prend la rouille, qui pue.

La semaine dernière j'ai vu Renaud. Mon Renaud. A la Closerie. Pour son prochain album qui va sortir bientôt. Un bien beau disque basé sur des ballades irlandaises. Depuis le temps qu'on lui réclame à corps et à cris. Un « bis » dans l'ambiance Irish Coffee. Sans dévoiler les courbes de la sculpture avant que le drap tombe, il ne s'est pas foutu de la gueule des Dubliners. Comme pour les gens du Nord, comme pour ceux du Sud et comme lorsqu'il place ses pas dans la pipe au vieux Georges : on sent que c'est le c½ur qui cause à la vitesse de sa plume. C'est une question de choix mais je le préfère dans la chanson touchante que dans le coup de sabot au cul du fermier ou de sa vache Carla. Je l'aime quand il me prend la main et moins quand il me montre son poing. S'il fallait trouver un sous-titre à son « Molly Malone » et qu'il illustrerait un film de John Ford ce serait « L'homme Tranquille » plutôt que « Le Mouchard » ou « The Plough and the Stars ».

Avec des copains du coin de là-bas : il s'est crée son I.R.A à lui. L'Incroyable.Renaud.Attachant. Celui qui cause des petites gens bien plus grand que ces imbéciles heureux d'être des stars de l'audimat. Celui qui reprend l'histoire d'un peuple qui pourrait être l'histoire du monde. Celui qui sobrement rentre dans les chaumières pour rallumer le feu de l'amitié et des bons moments. Celui enfin, qui ne perd pas de vue la beauté d'une femme ou d'un combat si celui-ci ou celle-là, n'a qu'un seul but : aimer la liberté d'aimer la liberté d'aimer…. C'est peut être, sûrement, l'un de ses plus beaux albums depuis « Marchand de Cailloux ». A croire que l'Irlande ça revigore son homme dans son costume de tweed.

Pourtant, lui non plus c'est pas l'Olympie en pleine fête. Dans sa parka me faisait penser à un ours en peluche. De ceux qui ne sentent plus le besoin de se faire câliner mais qui en ont encore sous la pédale si le besoin se faisait sentir… sait on jamais. Enfermé dans ses pensées, ses calots bleus brillaient d'une flamme tenace dans la pénombre de sa tanière. Du bistrot cela donnait une photo comme ça : Le vieux renard désabusé d'un coté avec son Ricard frappé et moi le jeune louveteau pas beaucoup plus vaillant avec ma Moresque (le Ricard des gonzesses). On formait un beau duo.

Renaud, c'est la seule nostalgie que je m'accorde. Parce qu'il est encore plus admirable au présent qu'au passée et que peut être, par miracle, on pourrait tous les deux se mettre à croire au futur.

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