Concerts : Compte-rendus et annonces Délit français, le par ca.
Mis en ligne dans le kiosque le 11 juin 2001.

Renaud : un public, aucune voix « Hugo Duchesne »

> Le du 23 janvier 2001 Montréal, édition du 23 janvier 2001

Renaud: un public, aucune voix "Hugo Duchesne"

Renaud a renoué avec la foule montréalaise après une absence de près de dix ans. La foule lui a réservé une ovation monstre, triomphale, alors qu'il n'avait pas encore chanté une note. Déjà, le Spectrum était Morgane de lui.La tournée discrète de Renaud, Une guitare, un piano, Renaud, commençait à Québec, passant par l'Assomption et Ste-Thérèse avant d'atterrir à Montréal pour six soirs. Urbain Desbois assurait la première partie qui n'avait même pas été annoncée. Il nous a présenté sept petits bouts de chanson modestes, mais réussis. Les textes étaient drôles et les enchaînements des plus laconiques. Il a conclu en disant: «Je suis comme vous: j'ai hâte de voir le spectacle de Renaud». Visiblement, il était flatté que Renaud accepte de faire sa deuxième partie.Pendant l'entracte, une chanson a retenu l'attention de tous les auditeurs: c'était l'«Hexagone», chantée par Renaud en algérien. C'était fait. Cris et agitations, la tête jaune et grise est apparue. L'air goguenard, toujours farouche, Renaud s'est mis à chanter plusieurs succès des albums Mistral gagnant et Morgane de toi. Le public, parfois un peu imbécile, quémandait quelques incontournables qui lui étaient poliment, humoristiquement refusés, sous prétexte que ses musiciens (Alain Lantier et Jean-Pierre Buccolo) ne savaient pas les jouer.Tout y était donc.

L'histoire d'amour entre Renaud et ses fans, l'ironie corrosive de ses monologues et la tendresse intéressée de ses dialogues: «Qu'est-ce que vous devenez ? Toujours pas indépendants?» Le public revoyait son poète rebelle, son réfractaire inconditionnel, son anti-impérialiste, son pourfendeur de bourgeois, son défenseur de la nature opprimée et son héros du prolétariat. L'arrogant polémiste n'avait rien perdu de son militantisme, de sa révolte en filigrane et de son engagement; Renaud n'a pas changé, il a tout simplement troqué le bruit pour l'intimité. Ses convictions sont aussi enracinées, ses mots aussi crus. L'homme s'y prend différemment pour les faire passer. Tout y était: les retrouvailles, les vieilles chansons, les interstices de guitare, les poèmes saisissants; bref, tout y était à part une chose. Il y avait un Renaud, un public, mais aucune voix. Renaud n'a plus de voix.Renaud voulait, le public voulait encore plus, c'est la voix qui ne voulait plus. Une récitation de ses chansons l'aurait mieux servi, mais Renaud est courageux. Il n'a pas pris la sortie de secours. Il a chanté, en prenant bien soin à quasiment toutes les chansons, de s'excuser pour sa voix, invoquant par le fait même qu'elle était pourrie et que ses cordes vocales étaient altérées par la nicotine. C'est l'obstination de l'homme qui prenait le dessus sur la voix.On aurait dit que malgré cette mauvaise voix, le public était apte à recréer les chansons telles qu'elles avaient été chantées il y a dix ou quinze ans. Dès ce moment, la voix ne comptait plus, elle était remplacée par l'homme devant eux. Les spectateurs voulaient davantage le voir que l'entendre. Oui, il faussait. Oui, il forçait et il le savait. Il demandait une certaine indulgence puisqu'on lui donnait beaucoup d'affection.C'était un spectacle pour initiés, pour vendus d'avance. Devant une performance si intime et touchante, les gens pardonnaient tout d'avance jusqu'à en perdre, par moment, leur esprit critique. Il faut croire que la foule allait au Spectrum pour continuer à aimer, pour raviver le souvenir des chansons de Renaud. La distance critique prend le bord, quand on est Morgane de… x

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