Sortie de nouvel album Figaro, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 6 octobre 2006.

Renaud : « Je ne veux pas plaire à tout le monde »

Son nouvel album, Rouge sang, a été précédé d'un peu de polémique. Mais, artistiquement comme dans sa propre vie, il affiche sa bonne santé.

C'est la première fois que je joue avec les mots à la façon d'un Queneau ou d'un Pérec, confie Renaud.

Tout se passe pour le mieux. Je suis heureux, amoureux, en parfaite santé - c'en est indécent. Ce jour-là, Renaud est à la table portant la plaque de Jean-Edern Hallier, à La Closerie des Lilas, et il affiche mieux que le bien-être de l'époque de Boucan d'enfer. Il sort Rouge sang (chez Virgin-EMI), nouvel album franchement meilleur que celui qui a vu sa résurrection en 2002, et il peut étaler les motifs de bonheur : son mariage avec la chanteuse Romane Serda, la naissance, le 14 juillet dernier, de son fils Malone, 500 000 exemplaires de son nouvel album en précommande, une tournée prévue à partir du 23 février 2007 (jour anniversaire de l'enlèvement d'Ingrid Betancourt en Colombie) avec au moins trois Bercy...

Il est fier de montrer le livret de 84 pages qui accompagne l'édition limitée de Rouge sang : le dessinateur Killofer (un génie, le nouveau Tardi) a dessiné une histoire qui court le long des vingt-quatre textes de chansons. Vingt-quatre ? Eh oui, l'album contient dix-sept chansons mais sa version limitée (à 200 000 exemplaires, toutefois) est un double-CD avec quelques chansons en plus : Dans la téloche, où je m'en prends à la téléréalité, Filles de joie, où je me fiche des bimbos qui nous exposent leur silicone et leurs strings à longueur d'antenne, Pondichéry sur les inégalités Nord-Sud, la surconsommation, la misère de la planète....

Une écriture rugueuse et narquoise

Renaud est pleinement revenu à la chanson : J'avais mis sept ans à écrire péniblement les quatorze chansons de Boucan d'enfer, bizarrement le plus gros succès de ventes de ma carrière alors que, ni pour moi ni pour mes fans, ce n'était mon meilleur album - et de loin ! Je me disais qu'en trente ans de carrière, j'avais traité tous les thèmes possibles et là, en un an, j'ai fait vingt-huit chansons pour moi et quinze pour mon épouse. Et aucune ne ressemble à une autre. J'ai même fait ma première chanson érotique, Je m'appelle Galilée, d'une écriture très classique, en alexandrins, ou Danser à Rome, qui est la première fois que je joue avec les mots à la façon d'un Queneau ou d'un Pérec...

Renaud célèbre ses noces en chantant les anagrammes du nom de Romane Serda dans Danser à Rome, astucieuse et légère chanson qui, par contraste, souligne combien son écriture est restée rugueuse et narquoise, avec sa façon si personnelle de mêler le trivial et l'ébénisterie, le baiser et la savate, la poésie et l'éditorial. Ainsi avec Les Bobos, chanson présente depuis des semaines sur les radios : Ce n'est pas la chanson que je préfère. La maison de disques la trouvait la plus efficace pour faire la promotion de ce disque. C'est une chronique sociale : je me ris du conformisme de codes culturels et de comportements de plus en plus répandus. Or, je lis partout que cette chanson est un brûlot contre les bobos, que j'y exprime ma haine des bobos... Mais je dis moi-même à la fin de la chanson que je suis un bobo !

De la compassion

Il est toujours prêt à croiser le fer, à se jeter dans la polémique. Et il est servi : Qu'est-ce que je dérouille, de Libé à Minute ! C'est bon signe. Moi qui ne voulais pas plaire à tout le monde, j'ai gagné la moitié de mon pari. La chanson Elle est facho, portrait d'une électrice lambda du Front national est ainsi entrée dans le débat préprésidentiel avec trois mots glissés à la coda : Elle vote Sarko. Manichéisme ? L'ancien chanteur énervant s'en défend : Ça fait une polémique sans nom : Renaud a traité Sarko de facho, Renaud est fâché avec Johnny ! Hallucinant. La chanson ne parle pas de ça ; seulement, elle finit par un petit croche-pied à Sarkozy, évoquant l'éventualité, voire la certitude, qu'une électrice du Front national va voter Sarko au second tour. Je n'ai plus seize ans, j'ai plus d'arguments politiques et philosophiques à lui opposer que {{Sarko-facho. D'ailleurs, Elle est facho est loin de la violence forcenée qu'on a connue à Renaud : Il y a vingt ans, j'aurais été plus manichéen, plus caustique, plus haineux. Là, il y a de la compassion parce que c'est une femme, victime de la société dans laquelle elle vit, de la télévision, du discours d'un tribun qui sait manipuler les foules et les âmes perdues.

Ce n'est certes pas le ton de l'historique Hexagone, en 1975 - Si l'roi des cons perdait son trône/ Y'aurait 50 millions de prétendants. Aujourd'hui, le chanteur regrette d'en avoir perdu le brouillon, qui aurait pu figurer dans Les Manuscrits de Renaud, que publient les éditions Textuel (sous la direction de Jacques Erwann) dans la même collection que Brassens, Gainsbourg et Nougaro. Signe que, plus qu'un héros de polémique, Renaud est devenu une référence de la chanson française, ses cadets Bénabar, Grand Corps Malade ou Jamait le citant volontiers comme une influence décisive. Il admirait Georges Brassens, Hugues Aufray et Graeme Allwright et, maintenant, l'élève est devenu prof. Comment le prendrait-il mal ? Son album est potentiellement disque de platine depuis hier, jour de sa sortie. Il a un tout jeune fils. On le voit moins souvent à La Closerie.

article original

Aucun commentaire

Soyez le premier à commenter !


(ne sera pas publié)