Portraits Figaro, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 8 juillet 2014.

Renaud, le voyou au grand c½ur

Retour, en albums, sur les quarante ans de carrière du chanteur.

left Autoproclamé «chanteur énervant», Renaud a fait souffler un grand vent de contestation sur la chanson française. Son premier brûlot, Hexagone, en 1975, le voyait régler ses comptes à notre vieux pays alors gouverné par Giscard. En bon soixante-huitard, il y canardait le bourgeois, le flic et le militaire avec force bons mots. Une antistar révoltée était née.

Ayant grandi dans une famille d'intellectuels protestants du côté de son père et d'anciens mineurs du côté de sa mère, Renaud Séchan incarnera mieux que personne le titi parisien des faubourgs du XIVe arrondissement. Héritier d'Aristide Bruant et de Frédéric Dard, disciple de Bob Dylan et de l'humour Hara-Kiri, il a démarré au Café de la Gare avant d'être remarqué. Auteur par plaisir et chanteur par nécessité, musicien rudimentaire, il devient le chroniqueur de la zone, du périph, et le chantre des gentils losers. Laisse béton, en 1979, introduit le verlan sur les ondes.

Féru de musette, le jeune Gavroche écrit la chanson réaliste de son époque, en jean, Perfecto, santiags et bandana, et met de l'accordéon dans son folk. Le voyou au grand c½ur et le paumé sont au c½ur de ses premiers textes, merveilles d'observation sociale. Gérard Lambert ou Germaine deviennent ses personnages récurrents, aux aventures dérisoires mais touchantes.

À partir de son troisième album, Renaud aborde un nouveau sujet d'inspiration: sa propre vie. Sa femme Dominique et sa fille Lolita deviennent ses héros du quotidien. Les tubes se succèdent : Mon beauf, Dans mon HLM, Marche à l'ombre, ce dernier devenant une expression courante et le titre d'un film réalisé par Michel Blanc. La presse s'intéresse de près à ce phénomène qui dédie un album à Mesrine.

La crème des musiciens de studio

À partir de 1980, le chanteur soigne autant les arrangements que les mots. Son succès l'autorise à partir enregistrer aux États-Unis, patrie de ses idoles Bruce Springsteen et J.J. Cale. La crème des musiciens de studio est à la man½uvre sur les chefs-d'½uvre Morgane de toi et Marche à l'ombre, dont les ventes s'envolent à près de deux millions d'exemplaires. Il aborde de nouveaux sujets comme l'immigration (Deuxième génération) ou le show-biz (Ma chanson leur a pas plu). Miss Maggie, chanson féministe dans laquelle il tacle Thatcher, lui vaut l'ire des sujets de sa gracieuse majesté en 1985.

Dans les textes, les premiers contours d'une dépression se dessinent. La mort de son ami Coluche lui inspire Putain de camion, pour lequel il n'assure aucune promotion. Ses ventes sont divisées par deux et son étoile pâlit. Après une poignée de disques plus acoustiques au début des années 1990, et des hommages au répertoire du Nord - enregistré alors qu'il interprète le rôle de Lantier dans Germinal - et à celui de Brassens, Renaud déserte les studios d'enregistrement jusqu'en 2002.

Sur Boucan d'enfer, album de rupture, l'écriture devient impudique, mais le public le plébiscite à nouveau au moment où la scène rap lui rend hommage. Ces nouveaux chroniqueurs de la misère sociale sont ses seuls véritables héritiers. La jeunesse de 2014 continue de s'identifier aux textes de cet homme qui n'a pas écrit de nouvelles chansons depuis près de dix ans.

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