Écrits par Renaud Le Monde, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 17 juin 2001.

Les Charognards

> Le Monde de 1975

« Le 5 décembre 1975, y’a eu un hold-up avec prise d’otages, dans une banque de l’avenue Bosquet à Paris. Les mecs se barrent vers 2 heures du mat au volant d’une super bagnole que les bourres leur avaient prêtée, avec dedans 2 otages, 500 briques et quelques lingots. A l’angle de la rue François 1er et de la rue Pierre Charron, ils se plantent de plein fouet dans la SM d’un politicard qui s’en revenait peinard du Sénat où venait de s’ achever un débat sur la répression du banditisme et des prises d’otages. Les flics qui suivaient pas très loin derrière profitent de l’accident pour défourailler et canarder les deux mecs qui commencent à s’dirent que ce p’tit braquage tranquille c’est mal barré… J’sais plus d’où j’venais mais j’étais pas loin. Tous ces gyrophares et ces gens qui courrent, je pense d’abord à une manif, j’y vais. C’était la première fois que je voyais un mort. Un des deux mecs. L’autre agonisait plus loin sous les crachats du bon peuple parisien et les insultes des flics. Ils avaient tout deux reçu plus de bastos qu’il n’en faut pour tuer un bœuf. Malgré cela, et bien qu’ayant perdu son sang dans le caniveau pendant plus d’une demi-heure avant l’arrivée d’une ambulance, qui se faisait bizarrement attendre, l’agonisant a survécu aux balles dum-dum de l’antigang et à la haine du badaud. Il était d’ailleurs unanime le badaud. Unanime dans sa haine de l’Arabe, du blouson d’cuir, du voleur qui lui vole son argent dans sa banque, unanime dans son admiration pour ces braves policiers qui, décidement, font un métier dangereux. Tiens ? Pas loin, y’a un badaud unanime, en cuir clouté, qui s’fait prendre à partie par un groupe de manteaux gris. Il dit qu’les flics ont la détente facile et que c’qu’y vient de voir s’appelle une mise à mort. « Et si z’avaient pris ta mère comme otage ! » lance un mec. « Et si c’était ton fils le type qui créve par terre en ce moment ! » qu’y répond. Y’a du lynchage dans l’air, j’me barre. Va falloir que j’raconte tout ca aux potes demain. J’rentre chez moi et j’écris « Les Charognards. » ».

Renaud.

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