Sortie de nouvel album Le Matin, le par ch.
Mis en ligne dans le kiosque le 9 décembre 2007.

Renaud : « Je souffre de ne pas chanter mieux »

Le chanteur français revient avec un album et un DVD live, reflets de sa «Tournée rouge sang». Pour parler de cet événement, Renaud nous a donné rendez-vous à la Closerie des Lilas, à Paris. Un endroit symbolique qui représente sa «cantine, son bureau, son bistrot préféré mais, à une époque, son assommoir, son mouroir, son refuge où il se détruisait». Interview exclusive

Il a parcouru la francophonie entière pour chanter son riche répertoire, sous l'appellation «Tournée rouge sang», du nom de son dernier album. Renaud sort aujourd'hui un CD et un DVD regroupant plus de deux heures trente de concert, comme un fil tendu entre toutes les époques de sa carrière. Pour évoquer cette actualité, le chanteur nous donne rendez-vous à la Closerie des Lilas, à Paris. Un endroit pas si anodin que cela, puisqu'il représente sa «cantine, son bureau, son bistrot préféré, mais à une époque, son assommoir, son mouroir, son refuge où il se détruisait». Aujourd'hui, Renaud va bien, merci. Il est l'heureux papa d'un petit Malone, toujours aussi amoureux de Romane Serda, son épouse.

Vous sortez un album et un DVD de votre «Tournée rouge sang», est-ce que Renard a retrouvé la voix de Renaud ?_

Renard est mort et enterré, mais il resurgit de temps en temps, au détour d'un excès ou d'une colère. Mais c'est inhérent à chaque individu d'avoir son côté sombre et lumineux. J'essaie de donner le meilleur de moi-même, mais je ne suis qu'un pauvre être humain plein de paradoxes et de contradictions.

Vous écrivez en préambule «C'est la plus belle tournée de ma longue carrière finissante...». Vous songez à y mettre un terme ?

Il y a beaucoup de travail, d'épuisement. J'ai parfois envie de jeter l'éponge. Quand on a eu un parcours assez long et honnête, il faut laisser la place aux jeunes. Il serait temps de me consacrer à mes amours, ma femme et mes enfants, plutôt que d'essayer de donner du bonheur à trop de monde. Et puis, c'est une façon d'agacer mes fans à qui, depuis trente ans, je fais croire que chaque tournée est la dernière. Mais le jour où ce sera vrai, on ne me croira plus!

Vous dites faire l'autocritique de vos performances vocales, parfois pathétiques, parfois «pasdégueu». Vous en pensez quoi aujourd'hui ?

Pfff... rien... Je suis meurtri et j'en ai ras-le-bol de me faire critiquer pour mes performances vocales. C'est le seul moyen qu'ils ont trouvé, ils n'osent pas attaquer mes textes ou mon écriture. Je n'ai jamais été un grand chanteur. Je ne suis pas un chanteur mais un auteur, un saltimbanque, un héraut. Je véhicule mes idées à travers mes rimes, mes notes et ma voix. C'est un ensemble. Je souffre de ne pas chanter mieux, avec plus de coffre, de justesse. Le public est très indulgent. Il dit que je chante vrai. Je me rassure en m'imaginant qu'il a raison.

Comment prenez-vous ces critiques ?

Quand je réécoute certains spectacles ou émissions de télévision, c'est un peu dur à entendre. Mais malgré tout, j'ai un timbre de voix unique, reconnaissable entre tous. Un style. J'ai beaucoup altéré mes pauvres cordes vocales ou plutôt ma corde vocale, à cause du tabac en excès, des boissons anisées, de mon rythme de vie, mais bon, elle tient pour l'instant. Si un million de personnes me disaient que je chante bien, il suffirait qu'un obscur journaleux m'assassine pour que je ne retienne que la critique. Je suis plus sensible aux épines qu'aux roses.

«Rouge sang» était l'album du bonheur retrouvé pourtant, c'est «Boucan d'enfer» qui a eu le plus de succès. On vous préfère quand vous souffrez ?

Apparemment, pour quelques journalistes, oui. Les mêmes qui ont tressé des louanges excessives à un album qui n'était pas si bon que ça et qui, paradoxalement, a connu les plus hauts scores de ma carrière en termes de ventes. Les mêmes m'ont assassiné pour un album pas si mauvais que ça, «Rouge sang», qui était plus positif, moins nombriliste. Mais le succès n'est pas une preuve de talent.

Vous chantez «Arrêtez la clope» et vous apparaissez dans la pochette avec une cigarette à la bouche. N'est-ce pas un peu paradoxal ?

La chanson a un peu plus de deux ans et depuis ce temps, je suis toujours victime et esclave de ce poison, de cette drogue dure. On a essayé d'effacer la cigarette avec Photoshop mais le résultat n'était pas beau. Cette photo, je la trouvais superbe. Je me suis dit que je compenserais le prosélytisme protabac de cette image par des propos militants contre ce poison. Je ne sais pas combien d'enfants, d'adolescents, voulant s'identifier à moi, si tant est qu'ils me considèrent comme une idole, ont allumé leur première cigarette pour me ressembler. En tout cas, j'en ai plein qui m'ont témoigné qu'ils avaient arrêté depuis qu'ils m'entendent militer contre cette drogue.

Que peut-on vous souhaiter de meilleur pour la suite ?

D'être rebelle, vivant et debout. Et encore plein d'enfants et de petits-enfants que j'espère voir naître et grandir. Longtemps.

«Je suis de plus en plus militant car de plus en plus heureux»__

Renaud n'a rien perdu de sa verve militante. On l'a vu s'emporter contre les corridas, manifester pour la réintroduction des ours dans les Pyrénées. Le chanteur «énervant» se mobiliserait-il davantage pour l'environnement aujourd'hui? «Je suis de plus en plus militant car de plus en plus heureux. C'est insupportable de nager dans le bonheur dans un monde qui est un océan de larmes. Par égoïsme, le malheur des gens altère mon petit bonheur. Il ne sera complet que quand il sera partagé par l'ensemble de l'humanité. Je vieillis. Je vois la mort approcher. J'ai envie de laisser à mes enfants et futurs petits-enfants un monde plus juste et plus beau. Je suis défenseur, amoureux de ce qui est vivant, les hommes, les enfants, les animaux, l'environnement, la planète, l'air, les rivières, les arbres, les forêts, les océans, donc oui, les ours, bien sûr, les baleines, les taureaux. Ces derniers sont dits de combat mais cette race n'existe pas dans la nature. Les hommes l'ont fabriquée pour leur petit bonheur égoïste et pour ce spectacle barbare qu'on appelle la corrida. Et je lutte pour ces femmes torturées, emprisonnées, violées, opprimées, lapidées, voilées, les Ingrid Betancourt, les Talisma Nasreen. Les hommes aussi mais ils sont souvent les principaux vecteurs de cette barbarie qui touche les femmes, les enfants et l'environnement», raconte avec intérêt Renaud.

Et la politique dans tout ça, celle qui résonne encore dans son «Hexagone» ? «J'ai milité contre Sarkozy, sa politique, ses projets, contre sa compagne électorale brassant ignoblement, labourant les terres électorales du Front national. Il utilise les mêmes arguments que Le Pen, mais il les applique aujourd'hui. J'ai milité et chanté récemment avec d'autres artistes contre les tests ADN qui rappellent les tristes heures de l'histoire de France. Quand la génétique entre en cause dans une loi sur l'immigration, c'est dégueulasse. On n'est pas loin de l'eugénisme et du fascisme».

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