Entrevues Paris-Match, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 10 octobre 2011.

Romane & Renaud : le divorce

Ils se sont aimés et ont eu un fils. Mais ses démons ont rattrapé le chanteur. L’ alcool a eu raison de leur couple.

leftVendredi 30 septembre, à Meudon, Romane Serda, dans le jardin de la villa où elle vivait avec Renaud. Ils ont continué à cohabiter pendant leur divorce, mais la jeune femme a déménagé le 1er octobre, au lendemain de cette photo.

Ne vous fiez pas à sa légèreté gracile. Cette fille est un roc, et elle ne le sait pas. Quand Renaud en est tombé amoureux en 2004, son regard n'a pas seulement capté la grâce des mouvements, le sourire lumineux, la voix sensuelle. Romane possède la force et la gentillesse. Elle a vécu l'épreuve la plus dure qu'on puisse endurer quand on est amoureux : voir se détruire sous nos yeux l'objet de notre amour. ­Renaud n'a jamais caché ses problèmes d'alcoolisme et son incurable mal de vivre. Avec Romane, il a eu quelques années de répit. Il avait la cinquantaine quand ils se sont rencontrés ; elle, la trentaine. Pour elle, pour leur fils Malone, il a quitté Paris, emménagé dans une grande maison en banlieue coquette, arrêté de fumer, arrêté de boire. Une renaissance. Le temps de lui produire son premier album. Puis, lentement, ses démons sont revenus. Un enfer au quotidien...

Romane a cru sincèrement réussir à l'empêcher de couler. Comme toutes les femmes d'alcooliques, elle a cru à ses résolutions sincères. Mais chez Renaud, le mal-être est trop lourd. Les angoisses, trop insurmontables. Le couple vient de divorcer. Cette semaine, avec son fils Malone, elle a déménagé dans une petite maison non loin de celle de Renaud. J'ai juste pris nos fringues et le canapé rouge, a résumé Romane, comme si elle redoutait de lui laisser un vide trop cruel. Nous avons réalisé l'interview et les photos un jour avant son départ, dans un calme inattendu, entre grande cuisine donnant sur le jardin ponctué de palmiers, et living rehaussé de kilims et d'une peinture fantasmagorique d'Henri Michaux. Sous sa blondeur, pointait une gravité mêlée de soulagement. Ses frêles épaules à la peau de velours ne pouvaient plus assumer la charge. Avant de craquer, dans un réflexe de survie, elle part vers plus d'oxygène. Et - un peu - moins d'inquiétude.

Paris Match. L'envie de chanter vous est venue il y a longtemps ?

right Romane Serda. Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours eu envie de chanter. Avec mes s½urs, petites, on s'inventait une radio, avec des animateurs, des pubs, des flashs d'infos, des émissions et de la musique. Et c'est moi qui chantais ! Comme un technicien à sa table de montage, je faisais la balance des sons sur ma platine.

Et que chantiez-vous ?

J'avais une chanson vedette, un morceau de Nikka Costa (Elle chantonne.) Sometime I Wonder, where I've been... Une chanson de Fame.

Vous êtes trois s½urs très unies ?

Nos parents étaient séparés, je n'ai pas connu mon père. J'ai grandi avec ma grande s½ur Marion. L'aînée est restée habiter avec sa mère. Ma ­petite s½ur, Lolita (qui a réalisé les ­photos de son album) est née quand j'avais 18 ans.

Après avoir testé vos talents de comédienne dans le feuilleton L'annexe, vous avez eu envie d'émigrer à Londres. Vous cherchiez votre voie ?

Non, je suis tombée amoureuse ! Ma vie a souvent été pilotée par mes coups de c½ur. Je devais y passer quinze jours, j'y suis restée six ans...

... Car vous vous êtes éprise de John, l'arrangeur de Sinead O'Connor !

left Right ! Et quand je retourne dans cette ville, j'y retrouve une part de mes racines. Ses odeurs, ses sons, ses trottoirs... c'est un peu chez moi.

Et votre amoureux vous a formée, artistiquement ?

Oh oui ! Je n'avais jamais travaillé en studio. Je craignais de le décevoir. Il m'a enseigné la rigueur. C'est un homme qui travaille aussi avec Natacha Atlas, avec U2... Et surtout, j'ai pris beaucoup de cours de chant, j'adorais !

Quel effet cela produit-il en vous, de chanter ?

C'est d'une intensité inouïe ! Vous sortez tout, c'est presque une thérapie, cela peut faire jaillir les larmes tellement vous donnez de vous-même. Ma prof me faisait faire des choses dont je ne me croyais pas capable, je pratiquais mes vocalises tous les jours.

Quel genre de Londonienne étiez-vous ?

J'ai mis deux ans à aimer la ville. Au début je ne parlais presque pas anglais. Mais pour John, qui ne parlait pas du tout français, je m'y suis mise sérieusement. Il est irlandais, il parle en argot, à toute vitesse, avec des jeux de mots, et je devais m'habituer à son humour...

right Votre vie là-bas, c'était virées dans les pubs et bandes de copains ?

Virées à Notting Hill, bière et bandes de copains, oui. Ça m'a vite lassée... Moi, je ne bois pas beaucoup, alors je finissais par aller me coucher. Mais dans la journée, je prenais des cours de danse, je travaillais en studio... J'y ai enregistré un disque qui n'est jamais sorti. Il faut dire que là-bas, ils me voulaient sexy, susurrant avec un fort accent typically french, alors que moi je voulais faire de la pop !

Un jour, vous avez eu le mal du pays.

Oui ! Les boulangeries, les nouvelles de France me manquaient. Je me ruinais en notes de téléphone. Et j'avais besoin d'avoir ma famille près de moi.

C'est alors que vous avez rencontré Renaud, un autre Pygmalion.

Oui, il m'a donné confiance, il a cru en mes thèmes d'inspiration. On a commencé par coécrire une chanson. Je passais des heures à chercher des rimes riches, et chez lui, ça jaillissait avec une telle facilité ! Il vous créait un poème en cinq minutes. Quelle leçon !

Quand Boris Bergman vous fait dire : Mais où vas-tu quand tu t'absinthes ?, les amours malheureuses semblent essentielles dans votre inspiration.

Oui... C'est ce que je vivais tous les jours...

A côté de Renaud, vous êtes restée près de dix ans.

Onze ans. On s'est connus en janvier 2000.

Vous n'avez pas craint de sombrer dans l'abîme ?

Si, j'ai eu super peur. J'ai toujours eu peur de l'imprévisible, de ce qui risquait d'arriver s'il était trop mal. J'ai toujours eu besoin d'avoir des habitudes, des balises pour me rassurer. J'aime la routine, moi !

Non, non, je n'ai pas besoin d'aller voir un thérapeute. Je vais rarement mal, vous savez !

left Comment avez-vous décidé de partir, de vous séparer de lui, de quitter cette belle maison commune ?

J'ai mis beaucoup de temps. J'ai essayé de recoller les morceaux, j'y ai cru, il va s'arrêter. Mais l'été dernier, je me suis dit : J'en ai assez d'espérer que ça s'arrange. Car ça ne s'arrangeait pas. Et quand cela s'arrangeait deux jours, j'étais pleine d'espoir... Et il rechutait, et moi je m'effondrais. J'avais plus de malheurs que d'espoirs. J'étais trop atteinte, j'avais trop mal. Alors j'ai décidé de ne plus m'impliquer, de ne plus essayer de jouer les sauveurs, de ne plus tenter de tenir la barre. Je n'arrivais plus à être le pilier. Je n'avais plus la force. Ces attentes déçues, cela faisait trop souffrir. Alors j'ai commencé à dresser une muraille pour ne plus être affectée. Car j'ai une responsabilité vis-à-vis de mon fils : la responsabilité d'être heureuse, d'aller de l'avant, je ne peux pas me permettre de me laisser aller.

C'était plonger à ses côtés ou s'arracher à lui ? "S'arracher", parce que vous semblez toujours attachée à Renaud...

Oui, nous venons de divorcer mais je l'aime, je suis pleine de tendresse pour lui, je serai toujours là pour lui, je le lui ai dit, il le sait. Mais je ne veux plus d'une relation où je suis en demande, en attente d'une situation qui ne s'améliore pas.

On a l'impression, de sa part, d'un suicide à petit feu.

Il vit une souffrance indicible. Il est pétri d'angoisses.

Il se dit mal dans sa peau, avec des psychoses, des angoisses, un mal de vivre... Il se soigne ?

Il pratique un peu l'automédication. Il boit pour alléger le poids de ce qui l'oppresse.

Vous semblez le contraire, vous dégagez une légèreté, des vibrations positives... Même si l'on vous sent plus grave, plus dense qu'autrefois.

J'essaie toujours d'être heureuse, positive, de dépasser mes malheurs, de renvoyer une image joyeuse. Cette épreuve m'a renforcée, et pas détruite. Je suis parvenue à me ressaisir. J'ai des amis sur qui je peux compter.

Avez-vous songé à consulter un thérapeute ?

Non, non, pas eu besoin jusqu'à présent. Je vais rarement mal, vous savez ! Mes amis, ma famille me suffisent, ils savent écouter, ne pas juger. Et je ne m'appesantis pas sur mes problèmes.

Vous tenez un journal ?

Non, pas un journal, mais j'écris parfois. Je déverse tout. C'est un exutoire, presque une forme de thérapie ; et quelquefois un exercice d'écriture.

right L'imposture me consume, écrivez-vous dans "Je mens". L'imposture dans la relation amoureuse ?

Oui, il m'est arrivé de me voiler la face, j'ai fait le silence sur mes désirs, mes répulsions, mes ranc½urs. Alors j'ai menti. Je me suis reproché de ne pas ouvrir mon c½ur, dire les choses, oser m'abandonner...

Quand vous êtes amoureuse, vous n'arrivez pas à dire "Je t'aime" ?

Oui. J'arrive à le dire à mon fils...

Le dire à un homme serait pour vous comme un aveu de faiblesse ?

Un peu... C'est une expression tellement banalisée ! Pour moi, elle est chargée de sens. Je t'aime, cela veut dire : j'aime tout ce que tu es, c'est un absolu, un sentiment plein et inconditionnel. Il n'y a qu'à un enfant que vous pouvez dire cela en le pensant de tout votre c½ur. Depuis que j'ai mon fils, je l'exprime plus facilement.

Votre fils, justement, a dû lui aussi traverser des moments difficiles en voyant souffrir son père. Comment le protégez-vous ?

Je suis là et j'essaie d'être légère.

Quand il est témoin de certaines scènes, il s'extériorise ?

Oui, il n'est pas verrouillé. Et très mûr pour son âge. Il sent les choses, il a des antennes. Avec son père, il est distant. Peut-être qu'il se protège.

left Lui cachez-vous vos moments de déprime ?

Non, je lui dis quand ça ne va pas : Maman est triste, énervée... Notre relation est saine, et lui aussi. Il est fort ! A 5 ans, il comprend tout. Mais c'est un enfant heureux : il est content de déménager, il sait qu'il ira à la même école car nous ne partons pas loin. Il viendra dans cette maison aussi souvent qu'il en aura envie. On n'habite plus sous le même toit, mais on restera proches.

Vous sortez un peu, le soir ?

Très peu ; je suis restée quatre ans et demi très, très casanière car je m'occupais de mon fils dans la journée et j'utilisais mes soirées pour travailler à cet album jusqu'à minuit. Impossible de sortir tard, car le matin je dois me lever. Je ne voulais pas déléguer mon rôle de mère à une nounou. Je sortais, disons, une fois par mois...

Renaud s'est plaint de ce rythme monacal.

Lui, c'est le contraire, il sort tous les jours : tous les midis, tous les soirs.

Cette idée de vous installer à Meudon...

Renaud avait besoin d'un vaste ­espace pour classer ses collections de BD. Introuvable à Paris. On a cherché deux ans. On a été très heureux dans cette maison.

right Le coupable n'est pas toujours celui qui se fait la belle, écrivez-vous. Quand on décide de rompre, on culpabilise de faire souffrir l'autre...

Il faut que l'un des deux ait ce courage : se rendre à l'évidence. Prendre la décision. Dans toutes les histoires, on est à la fois coupable et victime. On a soit la force de rompre, soit la lâcheté de subir. Moi, je n'en pouvais plus. Il le fallait. Pour lui, pour moi, pour Malone.

Renaud en est convenu ?

Il en convient, mais il n'en a pas envie. Je suis malheureusement un pilier dans notre trio. Mais je n'y arrive plus. J'ai besoin de vivre, de rire, de partager d'autres choses, de ne plus m'inquiéter. De ne plus avoir d'angoisses : comment va se passer cette journée ? comment notre fils va-t-il voir son père ?...

Dans votre disque, les paroles graves contrarient les musiques dansantes.

Oui, c'est un peu casse-gueule. Mais j'ai envie, j'ai besoin de cette légèreté, de cette bonne humeur. J'aime voir le bon côté des choses. Je ne me force pas, je suis comme ça.

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