Portraits RFI Musique, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 7 septembre 2006.

Biographie - Renaud

Il ne rappe pas, et pourtant Renaud a été le premier porte-parole d'une jeunesse dont le verlan est la langue principale. Discrètement engagé, tendrement raleur, le chanteur "énervant" atteint, en 2002, des sommets de popularité exceptionnels lors de son retour discographique après les années sombres et alcoolisées.

Il naît Renaud Séchan, le 11 mai 1952 à Paris dans le XIV ème arrondissement, en même temps qu'un frère jumeau, David. La famille compte en tout six enfants. Leur père est professeur d'allemand, et auteur de romans policiers. Il est lui même issu d'une famille de vieille souche protestante. Leur mère est originaire d'un milieu prolétaire du nord de la France. Ils vivent à Paris dans un appartement modeste mais confortable.

Déjà anar

La scolarité de Renaud n'est pas brillante. En effet, dés l'école primaire, il ne manifeste pas une forte envie de travailler. La situation ne s'arrange pas lors de son entrée en classe de 6ème. Seules les matières comme le Dessin et le Français intéressent le jeune élève. En fait, il est assez indiscipliné, n'accordant à aucune autorité la moindre importance. Son père, "anarcho-socialiste", comme le dit le chanteur lui même, lui inculque une méfiance certaine envers les forces de police, les militaires et l'ordre en général. Dés 1967, quand il redouble sa classe de 3ème au Lycée Montaigne à Paris, Renaud est déjà féru de politique. Les choses vont se bousculer en 1968 lors des événement de mai. Pendant un mois, il participe activement au mouvement insurrectionnel des étudiants et vit dans l'Université de la Sorbonne comme beaucoup d'autres. C'est à cette occasion qu'il écrit sa première chanson avec pour tout accompagnement sa guitare.

Après cette période d'illusions, Renaud ambitionne maintenant de devenir comédien. Il effectue une dernière année en classe de seconde artistique puis quitte définitivement le système scolaire. Ses parents le somment de se mettre à travailler : il est tout à tour, magasinier, vendeur de livres de poche. L'essentiel de son argent passe dans l'achat de motos, dont il est amateur depuis qu'il a vu le film américain, "Easy Rider".

C'est au hasard d'une rencontre estivale avec le comédien Patrick Dewaere, qu'il est embauché dans la troupe de Romain Bouteille au Café de la Gare, constituée entre autres, des comédiens Miou Miou et Coluche. L'aventure avec eux dure 5 mois, le temps de prendre goût à la scène. Il retourne ensuite travailler dans la librairie qui l'employait auparavant.

En 72 et 73, l'avenir de Renaud est loin d'être déterminé. Renvoyé de son travail, il fréquente les bistrots, rencontre ses copains et écrit pour leur plaisir, quelques chansons. Avec un de ses amis accordéoniste, Michel, ils commencent à faire la manche dans les rues de Paris. Ils rencontrent un franc succès auprès des jeunes et même des plus âgés qui voient dans ce duo le renouveau de la chanson de rue.

Camarade

Le producteur de Coluche, Paul Lederman les remarque un jour où ils sont venus faire la manche devant la file d'attente d'un spectacle de l'humoriste, qui commence à avoir un certain succès. Il les embauche en fait, sous le nom des "Trois P'tits Loulous" (un autre compère est venu renforcer le duo) comme attraction au "Caf'Conc" nouveau café-théâtre qu'il ouvre sur les Champs Elysées. Leur répertoire est constitué de chansons réalistes. Puis le copain Michel doit rejoindre l'armée et abandonne Renaud qui continue seul, de chanter à cet endroit, dorénavant avec ses propres compositions : "Hexagone" ou "Camarade Bourgeois". Pas spécialement destiné à une carrière de chanteur, Renaud se fait pourtant remarquer par une productrice d'une maison de disques indépendante qui lui propose d'enregistrer un 33 tours.

En 1975, sort donc le premier album du chanteur qui n'a que 23 ans. "Amoureux de Paname" rassemble des chansons qu'il chantait jusque là dans la rue. Empreint des idées révolutionnaires de 68, le jeune chanteur exprime un certain ras le bol de la société telle qu'elle est dans les années 70 et évoque surtout une façon de vivre à "Paname" (Paris en argot) et évidemment en banlieue, véritable théâtre de toutes les aventures. Le titre "Société tu m'auras pas" résume bien l'état d'esprit de Renaud mais aussi sans doute d'une certaine jeunesse qui ne se retrouve pas dans les valeurs inculquées par leurs parents.

A la suite de la sortie du disque, Renaud se produit sur la scène de la Pizza du Marais pendant trois semaines. Il partage l'affiche avec un autre chanteur Yvan Dautin.

Laisse béton

Malgré ce succès naissant, Renaud rêve toujours de faire l'acteur. En 77, il joue tous les soirs une pièce de Martin Lamotte "Le Secret de Zonga" à Paris en même temps qu'il continue de chanter aux Blancs-Manteaux (ex-Pizza). En octobre, il sort son second album "Laisse béton". En 78, ce titre devient un tube et le révèle au très grand public. Le parler "verlan", sorte d'argot codé qui inverse les syllabes à l'intérieur d'un mot devient avec cette chanson, un phénomène de société. Sa notoriété grandissant, Renaud triomphe au festival du Printemps de Bourges en avril. Il est accompagné pour la première fois par un groupe de vrais musiciens, le groupe Oze.

Janvier 79 voit la sortie du troisième album du chanteur "Ma gonzesse". Sans doute plus tendre que les précédents, cet opus semble plus intimiste avec la chanson qui donne le titre à l'album mais aussi avec "Chanson pour Pierrot". En mars, il chante 5 jours, au Théâtre de la Ville de Paris, qui à cette occasion affiche complet. Renaud ressent un trac énorme lorsqu'il est sur scène mais instaure un dialogue avec le public, plein d'humour et de fantaisie.

L'année 80 est marquée par la sortie d'un 33 tours "Marche à l'ombre". Il renferme des titres devenus aussi célèbres que "Dans mon HLM" ou "Les aventures de Gérard Lambert". Il se produit ensuite un mois entier à Bobino en mars 80 pour répondre à l'attente de ses nouveaux aficionados. Cela donne lieu à l'enregistrement du spectacle sorti en deux disques : le double 33 tours "Live à Bobino" et aussi "Le p'tit bal du Samedi soir" où il reprend les chansons réalistes qu'il chantait à ses débuts.

Devenu chanteur populaire un peu malgré lui, Renaud fait maintenant parti de la nouvelle génération montante de la chanson française. Atteignant la trentaine, le chanteur prend quand même un peu de recul par rapport à ses révoltes du début, et s'attache plus à dépeindre ce qu'il voit ou ce qu'il imagine de la vie de certains. Avec l'album qui sort en 81 "Le retour de Gérard Lambert", il dénonce tour à tour la drogue "La Blanche", la bêtise humaine "Mon beauf'" et rend hommage avec tendresse à son grand-père "Oscar", mineur de fond.

Morgane

L'évolution de l'artiste est incontestable : ses préoccupations son différentes, il est maintenant marié avec Dominique qui en août 80, lui donne une petite fille, Lolita. Il découvre ainsi la vie de famille et s'éloigne de la vie de bohème, entre copains et bistrots. Il découvre aussi la voile , le grand large et la mer, domaine plus propice à la paix intérieure qu'à la révolte.

En 83, fort de cette sérénité nouvellement acquise, il sort un album différent des précédents. La pochette elle-même est moins dure et agressive. Il est probable que la naissance de sa fille est quelque peu changé sa façon de voir les choses. Du coup les chansons paraissent aussi plus tendres : "Morgane de toi" et "En cloque". Plus apparenté à la variété qu'au rock-folk des débuts, cet album connaît un succès sans précédent dans la carrière du chanteur. "Dés que le vent soufflera" est un énorme tube qui passe sur toutes les radios. En fait c'est environ 1,2 million d'exemplaires de l'album qui sont vendus en quelques mois. Renaud est d'ailleurs en fin de contrat chez Polydor et ce succès lui permet de signer un contrat extrêmement avantageux avec sa nouvelle maison de disques Virgin.

Véritable vedette hexagonale, Renaud investit une nouvelle salle parisienne, le Zénith du 17 janvier au 5 février 84. Il effectue ensuite une tournée qui va jusqu'au Québec.

Ses activités ne se relâchent pas pour autant après la sortie du disque et sa tournée promotionnelle. En 85, poussé par la chanteuse Valérie Lagrange, il écrit avec son ami Franck Langolff, l'hymne des "Chanteurs pour l'Ethiopie". Il est en effet l'initiateur de cette opération qui est destiné à récolter des fonds pour lutter contre la famine en Ethiopie. Plus d'un million de 45 tours sont vendus.

La même année il sort un autre album "Mistral Gagnant" qui est enregistré aux Etats Unis sous la férule de Jean-Philippe Goude. "Miss Maggie" est le premier extrait et épingle avec véhémence et humour, la première dame du gouvernement britannique d'alors, Margaret Thatcher. Mais c'est le temps des illusions perdues et des constats amers avec des chansons comme "Fatigué", "Morts les enfants" ou "P'tite conne".

Alors au faîte de sa gloire, Renaud trouve pourtant des détracteurs de plus en plus nombreux au fur et à mesure que sa notoriété et son compte en banque augmentent. Comment peut on chanter la misère, la révolte, les banlieues avec un vocabulaire argotique quand on est fils de professeur, comment peut-on continuer sur cette voie quand on gagne beaucoup d'argent ? Voilà les questions que certains se posent.

Exaspéré par cet acharnement essentiellement du aux médias, et sans doute bouleversé par la mort de son ami Coluche en juin 86, Renaud décide de ne faire aucune promotion pour son nouvel album qui sort en avril 88. "Putain de Camion" en hommage à l'ami disparu, est un succès relatif : 600.000 exemplaires seront quand même vendus. La beauté et la qualité de l'album lui donnent l'occasion de recevoir plusieurs prix, celui de la Ville de Paris, celui du Ministère de la Culture et celui de la SACEM (Société des Auteurs Compositeurs française). Une tournée s'ensuit. En octobre il se retrouve dans une grande salle parisienne pour "Visage Pâle attaquer Zénith".

Belfast

En 91, après la guerre du Golf, Renaud sort un nouvel album intitulé "Marchand de cailloux". Tout en demi teinte, cet opus est marqué par une forte influence irlandaise qui le mène à "La Ballade Nord-Irlandaise", chanson phare qui parle des enfants de Belfast. Entre tendresse et coup de gueule, le chanteur est fidèle aux thèmes qui lui sont chers, l'enfance, l'amour et l'injustice.

La même année, cédant à l'insistance du réalisateur Claude Berri, Renaud accepte de jouer le rôle d'Etienne Lantier dans "Germinal" adapté du roman d'Emile Zola, grosse production cinématographique française. Le tournage dure plusieurs mois dans le nord de la France. Renaud découvre le pays de son grand-père et renoue avec ses racines de "chtimi". Emballé par l'ambiance et l'état d'esprit des habitants de cette région, le chanteur décide de sortir en 93 un disque entier consacré au folklore local. "Cante el'nord" qui est chanté dans le patois chtimi. Il reçoit la Victoire de la musique du meilleur album de musique traditionnelle à cette occasion.

Dès 94, il se remet à écrire des chansons et enregistre cette fois, chez lui. L'album "A la Belle de mai", du nom d'un très ancien quartier marseillais est un hommage poétique à la cité phocéenne. Renaud privilégie les coups de cœur plutôt que les coups de sang : il chante son admiration pour Ernesto Che Guevarra, Zapata ou Pancho Villa. Il évoque toujours l'enfance avec beaucoup de tendresse : "C'est quand qu'on va où ?" ou "Le Sirop de la rue". Environ 500.000 exemplaires sont vendus. Même si le chanteur vend moins qu'auparavant, il reste une valeur sûre de la chanson française. En mai 95, Renaud s'installe tout le mois de mai à la Mutualité, célèbre salle parisienne généralement réservée aux manifestations politiques et sociales. Il part ensuite en tournée dans toute la France.

Brassens

Imprégné de l'œuvre de Georges Brassens dès son plus jeune âge, il décide, la quarantaine passée, d'enregistrer vingt trois chansons de l'artiste disparu. "Je suis un voyou" ou "Le Gorille" sont entre autres, les chansons que Renaud souhaite faire connaître aux plus jeunes, car il considère son "maître à chanter" comme "un poète rebelle à toutes les institutions". Bel exemple lui semble t'il, de contestataire et de libre penseur.

Cette année 96 est aussi marquée par une grande tournée qui se termine par l'Olympia à Paris pendant une semaine en décembre. Le succès est toujours présent. Renaud est un artiste qui entretient avec son public un rapport chaleureux. Pendant les concerts, il parle beaucoup et instaure ainsi la convivialité que beaucoup de spectateurs attendent.

Le Tunnel

A partir de 1997, une longue période difficile s'ouvre pour Renaud. Souffrant du départ de sa femme Dominique, il met des années à s'en remettre et sa déprime d'alors se noie dans l'alcool.

En 1997, il donne une série de concerts en Allemagne et en Irlande. Puis disparaît de la scène toute l'année 98. En octobre 1999, Renaud démarre une longue tournée de près de deux ans à travers d'innombrables petites salles de France. Aucune date parisienne n'est prévue. Pour ce long voyage dans l'Hexagone, il est entouré de deux musiciens, Alain Lanty au piano et Jean-Pierre Buccolo ((le Titi de "la Mère à Titi") à la guitare. Le spectacle nommé "Une guitare, un piano et Renaud" se veut une compilation acoustique du répertoire du chanteur. Seules deux nouvelles chansons ("Elle a vu le loup" et "Boucan d'enfer") viennent actualiser une œuvre désormais classique. La première évoque son adolescente de fille en passe de devenir une femme, la seconde raconte le "boucan d'enfer" que fit dans sa tête le départ de sa femme…

Cette tournée, fondée sur aucun nouvel album et lancée sans aucune promotion, est un triomphe. La cote d'amour de Renaud auprès de son public est énorme. Partout, il fait le plein. Partout, le dialogue s'établit entre la salle et les spectateurs, complètement en phase avec un chanteur qu'ils connaissent bien et qu'ils estiment profondément.

D'abord prévue pour quelques semaines à l'automne, la tournée se prolonge jusqu'à l'été suivant puis continue jusqu'en 2001 où il passe deux semaines au Québec. Le 9 mars, en banlieue parisienne, il cesse cette tournée particulière qui lui aura certainement permis de mieux supporter son malaise sentimental mais aussi de gérer un certain manque d'inspiration qu'il n'a jamais caché.

Hexagone 2001

Aux Victoires de la musique 2001, le chanteur reçoit un trophée spécial pour son œuvre. La même année, des rappeurs consacrent un album de reprises à son répertoire : "Hexagone 2001". Enfin, et surtout, Renaud se lance dans l'enregistrement d'un nouvel album, le premier album original depuis 1994. Nommé "Boucan d'enfer", il sort le 28 mai 2002. La pochette est signée du navigateur et dessinateur Titouan Lamazou. La totalité des quatorze chansons sont co-écrites avec ses deux musiciens de tournée et amis, Alain Lanty et Jean-Pierre Buccolo. Elles relatent ses colères, ses désillusions, ses tristesses et ses chagrins, ceux qu'il a tenté pendant quelques années de noyer dans l'alcool. Renaud revient donc sous les projecteurs et la noirceur de ses propos aussi bien dans ses textes que dans ses interviews révèlent un quinquagénaire blessé. Le public y est sans doute sensible car le disque se vend à plus de 450.000 exemplaire en une semaine.

Le premier simple, "Docteur Renaud, Mister Renard", sort le 18 avril. Le second est "Manhattan-Kaboul", un duo avec Axelle Red. Deux mois après sa sortie, le CD s'est déjà écoulé à 450.000 exemplaires !

Parallèlement au CD, Renaud renoue avec le cinéma. En avril, il est au Québec où il tourne avec Johnny Hallyday, Gérard Depardieu, et Harvey Keitel le film "Crime Spree" de l'Américain Brad Mirman.

C'est avec sa tournée Boucan d'Enfer qui démarre le 3 décembre 2002 que sa popularité explose. Environ 170 concerts répartis sur près de 18 mois, tous à guichets fermés. Les fans accueillent à chaque foisle chanteur à bras ouverts et par des tonnerres d'applaudissements. Cette tournéea un effet à la foisbénéfique et exténuant sur le chanteur.

En juin 2003, il est aux côtés de Johnny Hallyday pour les 60 ans de ce dernier au Parcdes Princes à Paris mais face au trac (et à la fatigue), la voix de Renaud n'est pas au rendez-vous.

Toujours prêt à exprimer ses idées, Renaud le fait avec ses propres mots, témoignant ainsi d'une langue française peu orthodoxe mais néanmoins vivante. Son langage très imagé, sa verve argotique et son style vindicatif qu'il exprime dans ses chansons mais aussi en interview et lors de ses passages sur scène, constituent sa marque de reconnaissance.

Le 17 novembre, le chanteur fait son retour chez les disquaires. Il sort un DVD intitulé "Tournée d'enfer", témoignage numérique d'un concert au Zénith de Lille en avril 2003. Une version double CD est également publiée. Le même jour est éditée une nouvelle intégrale en édition limitée : "Le Roman de Renaud", constituée de vingt albums.

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