Entrevues Le Temps, le par ch.
Mis en ligne dans le kiosque le 27 mai 2007.

Renaud, nouvelle voix

TOURNEE. Docteur Renaud a définitivement pris le dessus sur Mister Renard. Rencontre avec un chanteur rescapé, en concert mardi soir à Genève.

leftOn le retrouve dans sa loge. Installé dans un canapé, bouteille d'eau minérale à la main et chemise blanche retroussée dévoilant un tatouage du Che sur son avant-bras droit. Il est 23 heures passées, au Havre, le 14 mars dernier. Renaud vient de conclure en beauté le concert de lancement de sa tournée, consécutive à la sortie de son album Rouge Sang (aujourd'hui écoulé à 600000 exemplaires). Pendant trois heures d'un concert marathon, Renaud Séchan revisite son répertoire, mélange de tendresse à fleur de peau («Mistral Gagnant») et de convictions balancées comme des uppercuts contre le Paris-Dakar («500 connards»), la connerie télévisuelle («La téloche»), le patriotisme («La médaille») ou la guerre («Morts les enfants»).

Forcément vidé, Renaud, parti sur les routes avec femme et enfant fait le point, avec la satisfaction du devoir accompli, tempérée par un sens aigu de l'autocritique. L'ex- «chanteur énervant» bougonne contre l'accueil réservé par le public à ses nouvelles chansons («carrément froid»), contre ses petits trous de mémoire ponctuels... Des broutilles. Sur le fond, sa prestation confirme l'impression née de l'écoute de son dernier album: Docteur Renaud a définitivement pris le dessus sur Mister Renard, son double maléfique et alcoolo inventé sur le disque Boucan d'enfer (2002). Interview à chaud...

- Heureux de retrouver la scène ?

Renaud: Je me régale. J'avais une envie de remonter sur scène, de donner, de recevoir, de chanter ces chansons que j'aime comme «Elsa», «Les Cinq sens» ou «Nos Vieux», en hommage à mes parents, que j'ai mis vingt-cinq ans à écrire. A l'époque de Boucan d'enfer, je faisais semblant d'être heureux sur scène, mais j'étais encore addict au poison anisé, à la fée jaune. Voir tout l'amour du public me donnait un peu de baume au c½ur, mais j'avais infiniment moins de plaisir qu'aujourd'hui.J'étais une épave au fond de La Closerie des Lilas (un célèbre café fréquenté par le Tout-Paris artistique, ndlr). Enfin, une épave... Avec mon pastis à 45 balles, ce n'était pas du Zola, j'étais plutôt une épave bobo.

- Vous pouvez nous détailler vos côtés bobo ?

- Acheter des fringues avec Romane dans des magasins à la mode. Posséder une maison dans le Lubéron, une autre à Londres, me payer quatre mois de vacances par an, prendre l'Eurostar pour se faire un resto à Chelsea. Alors on m'intente perpétuellement le procès du «chanteur de gauche, anarchiste, anti-bourgeois qui vit dans le luxe». Mais j'assume. Et puis je n'étale pas ma richesse. Ma théorie, c'est : «Pour vivre heureux, vivons caché.»

- «Boucan d'enfer «était un album sur le deuil de l'amour. «Rouge Sang»célèbre la renaissance de l'amour...

- Oui et ça fait partie des reproches qu'on me fait: «Ouais, t'as réussi à nous émouvoir avec ton chagrin, maintenant tu vas essayer de nous émouvoir avec ton bonheur!» Mais j'ai aussi envie de chanter mon bonheur, par amour pour ma femme, par amour pour l'amour. Oui je suis impudique. J'en dis trop, je déblatère, je suis ainsi.

- De toute évidence votre voix se porte mieux...

- En tout cas j'ai une plus belle voix que lors de ma précédente tournée, en 2003. Je me souviens de cette soirée aux Victoires de la Musique, où ils m'ont décerné une «Victoire d'honneur» pour l'ensemble de ma carrière. Comme ils pensaient que j'allais bientôt mourir, ils ont préféré me filer cette récompense de mon vivant. De toute façon je n'ai jamais eu une belle voix, comme me l'a dit un jour un fan: «Tu ne chantes pas juste, tu ne chantes pas faux, mais tu chantes vrai.» Ma voix était abîmée depuis des années à cause du mode de vie, mais elle revit depuis que je ne fume plus.

- Vous dites ça, une cigarette au bec...

- C'est vrai, mais je ne fume plus sur scène. Trois heures sans clope, c'est déjà pas mal. Je suis devenu un farouche ayatollah anti-tabac et je ne veux pas que les jeunes s'identifient à moi.

- Vous commencez votre concert avec la chanson «Malone», dédiée à votre fiston né en juillet dernier...

- Oui, car il est mon présent, mon avenir, le soleil qui illumine ma vie aujourd'hui. Quand je la chantais en studio, je savais que j'ouvrirais mon nouveau spectacle avec cette chanson, malgré les railleries de mon pote Jean-Pierre Bucolo (son compositeur fétiche, ndlr) qui me disait «la musique, les paroles sont indignes pour ton fils, un type qui a écrit «Morgane de Toi» n'a pas le droit d'écrire ça pour son fils...».

- Sur scène, vous dites que cette tournée «Rouge Sang» pourrait être votre dernière tournée. Info ou intox ?

- Cela fait vingt ans que chaque fois que j'arrive sur scène, j'annonce la fin de ma carrière. C'est une plaisanterie pour provoquer mon public, l'énerver et me rassurer sur l'amour qu'il me porte. Mais bon, c'est sûr que j'ai envie d'avoir d'autres enfants et que Romane ne compte pas passer sa vie sur les routes avec des mômes en bas âge. Mais quand je vois Hugues Aufray, qui à 77 ans donne encore des concerts, sans être une seconde ridicule... Je me dis que, peut-être, j'y serais encore dans vingt ans.

Renaud en concert: mardi 29 mai à 20h, Arena, Genève; dimanche 29 juillet, Paléo Festival, Nyon (complet); vendredi 14 sept, Festival Chant du Gros, Le Noirmont.

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