Vos mots, vos textes pour Ingrid et les autres otages

Engagements pour diverses causes, initiées ou non par Renaud...

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Bruno

Message par Bruno »

LA MORT DU CLOWN




Et si j’écrivais du rire dans vos têtes
Je chanterais un clown dans le poème,
Un nez rouge, un galure et des paillettes,
Du grotesque au pied, une tarte à la crème.

Si j’accrochais du rire à vos problèmes…
Mais le clown s’assoit, las, seul sur la pierre,
Des larmes s’écoulent, démaquillent ses paupières,
Qu’elle est cruelle aujourd’hui sa bohême.

Eclat de piste,
Claque dans la gueule,
Cloque nez en sang,
La clique s’exclame
Applaudit
Cric,
Clé du spectacle
Crac,
Au verrou
Et Croque
Et cri,
Ecran criblé
De crocs
De crimes…



Clown,
Mime,
Muet,
Mort
Au clou des mots…

Monsieur Loyal, c’est dégueulasse,
Plus un seul clown au cirque des hommes
Mais son rire rêve encore et glace
Dans le miroir, l’espoir fait môme.


En toute poésie,
Bruno
gonzesse
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Message par gonzesse »

L'espérance est la plus grande et la plus difficile
victoire qu'un homme puisse remporter sur son âme.


Georges Bernanos


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baltik
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Localisation : 37

Message par baltik »

encore une heure une journée et aucune nouvelle de toi

aucune nouvelle de ta liberation

mais je ne desespere pas j'attend

mais la patience n'est pas dans mes qualites

alors reviens vite. Revoir ta famille qui elle s'impatiente
refait surface et respire à plein poumons
le cerveau en hypoxie reprend conscience d'un manque et s'y habitue
c'est la vie qui continue
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mimily
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Message par mimily »

après conseil de bruno, je mets mon p'tit texte qui était au départ destiné à renaud sur ce topic, pourquoi ? parce que y'a quand-même un rapport avec ingrid

Renaud on t'aime sur les barricades
Rebel vivant et debout
Surtout pas dans ton rade
Alcoolo au fond du trou.

Le chanteur énervant
Tu nous avais manqué
Ton regard est pétillant
J'aime t'entendre gueuler.

Dénoncer les injustices.
vivre à contre sens,
Tu nous fais prendre conscience
qu'il faut qu'on réagisse.

Tu t'engages pour ingrid
Betancourt on la veut libre
Moi à tort qui croyais
Que plus jamais tu ne crirais.

Je te félicite encore
Romane aussi d'ailleurs
C'est grâce à son amour
Qu'tu vis encore et toujours.


ingrid bats-toi ! on est là, on pense à toi !
comme quoi s'il voulait pas retourner sa veste, il avait cas porter un blouson ...
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mimily
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Localisation : lyon

Message par mimily »

ingrid on t'attend
depuis bien trop longtemps
ces putains d'enculés
vont-ils enfin te libérer ?

enchaînée pour des idées
baîllonée pour plus crier
je voudrais les étrangler
à coups de grenades les exploser.

pourquoi tant de haine ?
contre une femme acharnée
qui veut simplement qu'on s'aime
qu'on vive juste dans l'égalité.

pourquoi tant de mépris?
dans un pays, la colombie
qui dit mener un combat
mais où est-il dîtes-le moi !

pourquoi tant de violence ?
de massacres, de crimes
tout ça n'a aucun sens
marre de toutes ces victimes.

innocents emprisonnées
par les FARC et leurs armées
eh au fait leur président
n'est-il pas impliqué là-dedans ?

qui est le vrai coupable ?
le responsable de toutes ces larmes
après tout, on s'en fout
tout c'qu'on veut, c'est la liberté, c'est tout !
comme quoi s'il voulait pas retourner sa veste, il avait cas porter un blouson ...
Bruno

Message par Bruno »

UNE NUIT IMAGINAIRE
(un songe d’enfance retrouvée)


C’était une nuit, une nuit comme les autres, peut-être même une nuit de Noël.

Tu te cachais sous le piano,
Muet.


Etais-tu triste,
Etais-tu seule,
Etait-ce un rêve ou un murmure ?
Etait-ce juste pour qu’on te rassure ?

Il est minuit comme dans un livre,
Il est venu se dire en lèvres.

On s’échange de la poésie, mi colega,
Je dis tes mots, tu dis les miens,
Comme des bateaux, ils ont des ailes…
Winnipeg.


Aujourd’hui, j’en suis certain,
Ingrid, tu t’en souviens,
Même si le piano est lointain,
Tu l’entends chanter quand même,
Tu te caches entre tes mains,
Toucher les yeux que tu aimes.

Au consulat des poètes,
Neftali Reyes,
Ses livres brûlés,
Ouvrent à jamais
Nos cœurs de liberté.


En toute poésie,
Bruno

« Non, ne me fermez pas les yeux.
lorsque j'aurai cessé de vivre,
j'en aurai besoin pour apprendre
pour regarder et comprendre ma mort »
(Pablo Neruda, la vérité).
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andré-louis
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Localisation : citoyen privilégié du monde, car libre, ayant un toit et à manger

Message par andré-louis »

Nous sommes le 1er novembre; plus par tradition que par conviction, j'ai été dire bonjour à papa et maman au cimetière de mon village des Flandres Flamandes;

Maman est entrée en clinique le 1er février 2004 pour une intervention "sans problème";

Elle a mal tourné;

Dans la nuit du samedi 7 au dimanche 8 elle a dû être opérée d'urgence; le chirurgien avait réservé son diagnostic jusqu'au matin du 9 février;

Le 9, il déclare que maman a bien supporté le choc opératoire et survivrait;

Sans ça je n'aurais pas participé à la manifestation du 10 à Bruxelles pour la visite du Président Uribe alors que j'avais bien bossé pour le pister à chaque changement de son agenda (il ne veut pas de photos de lui avec des manifestants) Pour finir, il change en dernière minute son rendez-vous chez le Président de l'Union Européenne Romano Prodi pour nous échapper; tellement tard que la presse européenne et surtout colombienne a, elle aussi, été surprise; avec pour conséquence, que faute d'Uribe, on n'a vu que Yolanda, venue tout exprès de Colombie, et les manifestants sur toutes les télés du monde;

J'ai raconté à Yolanda que j'étais content d'en être et que l'opération de maman a failli m'en empêcher; elle m'a longuement tenu dans ses bras;

Le lendemain c'était le "vidage" du parlement à Strasbourg; ce furent, bous disent les colombiens, les plus belles actions contre le gouvernement puisqu'elles ont eu un gros écho en Colombie, ou Uribe s'est d'ailleurs vengé.

Quelques jour à peine après maman ne va pas bien du tout; les médecins se rendent compte qu'ils ont piqué droit dans un endroit ou un cancer était présent, mais ignoré "parce que des radios à cet endroit ne font pas partie du protocole des examens préopératoires"

Maman s'éteindra à 4h25 le 21 février; dans l'après-midi je me suis enfui, loin de ce téléphone qui n'arrêtait pas de sonner et j'ai rejoint les copains pour leur action un peu râtée pour raison de -10° à l'occasion du deuxième anniversaire de l'enlèvement d'Ingrid;

Depuis ses événements liant la mort de maman aux actions , pour moi aussi, c'est un peu "Mama Yolanda" et pour moi aussi Ingrid était devenue encore un peu plus ma soeur.

Voilà quelques reflexions melancoliques et nostalgiques d'après ma petite visite de ce matin à mes parents;
André-Louis
COMITES INGRID BETANCOURT BELGIQUE / FICIB
www.betancourt.info
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Bruno

Message par Bruno »

Ici,
Le 1er novembre 2005,


Ingrid,


J’ai des vis et des clous,
Ca ne tient pas debout,
Ton histoire flanche et penche,
C’est la faute de ces planches…

J’ai des vis et des clous,
La notice me rend fou,
Comme je suis maladroit,
Le marteau broie ton doigt.

J’ai des vis et des clous,
Quand je bricole pour nous,
Des vers sur mon armoire,
Pour poser votre espoir.

J’ai des vis et des clous,
Et des rimes d’acajou,
Du poème bricolage,
Un mot pour chaque otage.

J’ai des vis et des clous,
Et le meuble se dévoue,
J’ai pendu cette robe,
D’un printemps qui s’engl’aube.


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En toute poésie,
Bruno
gonzesse
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Enregistré le : 11 mai 2003, 17:15

Message par gonzesse »

Je suis allée parler à ma mère aujourd'hui.

J'ai beaucoup pleuré devant sa tombe fleurie.

Elle aussi était prisonnière, pas dans la jungle comme toi, juste dans sa tête dans son corps. Prisonnière de son monde à elle.

La maladie d'Alzeimer l'a tuée après des années de souffrance.

Après le cimetière j'avais espoir de voir mon père, peut-être aussi mes soeurs, mes frères, mes nièces, mes neveux... Personne n'était là, juste moi et mon chagrin.

Voilà le petit mot que je lui ai laissé, épinglé sur la porte:


" Papa aujourd'hui je suis venue
Je te l'avoue un peu perdue
Tu ne m'as pas répondu
Et maman non plus ... "


Pour Mélanie et lorenzo qu'ils te libèrent très vite Ingrid!!!
Bruno

Message par Bruno »

Ici,
Le 2 novembre 2005,

Ingrid,

Gare Montparnasse,
Un quai contre jour,
Où le train se raidit à rebours

Mon fils, sourire, espiègle, on s’embrasse,
Sa main, la mienne, m’efforce, et m’efface
Mes soucis, ma peine et mes angoisses…

Nos retrouvailles…
Au pied le la tour,
Où Paris se redit d’alentours…

….

Puis je cherche un panneau d’affichage
Pour indiquer ton train au passage,
Un train où je verrai ton visage,

Gare Montparnasse,
Un quai contre jour,
Où le train se raidit sans retour

Passagère avec trois mille otages
Mais le train n’est pas à l’arrivage,
On n’a pas encore trouvé l’aiguillage…

Comme un présage…
Je dessine parcours
Par cœur, Ingrid, Paris, par amour.

Je pose les rails d’ici au Parnasse,
D’un mot, d’un cri, d’un rêve en préface
Où ta liberté se dédicace

Nos retrouvailles…
Au pied le la tour,
Où Paris se redit d’alentours…



En toute poésie,
Bruno
Bruno

Message par Bruno »

L’AIR DE RIEN
(pièce en un acte)

ACTE 1- scène 1 –

(Le Président, son valet)

La scène se déroule dans un grand bureau un peu triste parce qu’il est orné de bustes, de portraits du Président, que ce Président est un homme triste parce qu’il est seul, seul avec un pouvoir trop grand. Une statue immobile et des meubles d’un style indéfini dénotent d’un profond ennui.


Le Président entre en sifflant un air entraînant, il sautille heureux comme un papillon un soir d’orage.

La statue remue les lèvres, elle émet un toussotement qu’elle n’aimait pas… hum, hum…

Le Président : Ah ! Vous êtes là… vous êtes d’une transparence, mon ami, que je ne vous voyais pas… Vous me semblez malade de surcroît… Je ne veux pas de microbes dans mon Palais, c’est un décret que vous semblez ignorer… « mon ami ».

Le valet : Votre Altesse Grandissime, excusez-moi, si je puis me permettre, je ne suis pas souffrant.

Le Président : Pas souffrant ! Je vous ai entendu toussoter, crachoter, postillonner, expectorer, je vous ai entendu vous racler la gorge avec une langue de fièvre glandonneuse… Et vous vous prétendez en bonne santé ! Vous insinuez que je suis dans l’erreur, vous avouez en même temps ne pas souffrir dans ce monde où je suis malmené ! Voudriez-vous que je vous fasse écouter l’enregistrement de votre toussotement ? Il y a un micro dans chacun de mes bustes ?

Le valet : Je, je… j’ai effectivement toussoté.

Le Président : Et raclement bien, la mémoire vous revient…

Le valet : Ma quinte n’était que manifestation de gêne.

Le Président : De gênes, de microbes… Que diable en crachats, pas de ça sous mon toit ! Et n’employez pas ce terme odieux en ma présence… « Manifestation », quelle terrible maladie !

Le valet : Oui, votre Bienséance… J’ai toussé parce que vous siffliez.

Le Président : Petit insolent, votre rhume du cerveau vous mènera à la démence… Ainsi m’entendre heureux, sifflotant, hélant le bonheur tel un rossignol pubère, cela provoque en vous un sentiment de trouble qui s’expectore sous mon nez sain ? Je prends note, infâme laquais, j’ouvre un dossier lourd de conséquences, n’oubliez pas d’emporter des mouchoirs dans votre valise posthume.

Le valet : Ce n’est pas votre joie, ni votre personne qui m’indisposaient…

Le Président : Mon pas peut-être ?

Le valet : Non, non, glorieux Président, c’était cet air, cette immonde mélodie.

Le Président : Immonde mélodie, ce son qui s’échappait de mes divines lèvres… Seriez-vous aérophobe ou déjà complètement dément ?

Le valet : Sire, vous siffliez un air interdit !

Le Président : J’en reste interdit… stupéfait, interloqué, laquais. Fichtre ! Qui a interdit cette chanson, expliquez-vous sans délais !

Le valet : Avec tout mon respect, Votre Grandeur, c’est votre Altesse qui a prohibé cet air.

Le Président : Moi ! Diable ! Aurais-je perdu la tête à ce point ? Soyez plus clair pour éviter des troubles judiciaires…

Le valet : Il s’agit en fait d’une ritournelle qui évoque l’Affaire.

Le Président : La Ténébreuse Affaire ?

Le valet : Exactement, Monsieur !

Le Président : Mais, je l’ai entendue, ce matin, sur les ondes de ma Radio… Sans y prêter une oreille très attentive d’ailleurs, seule la mélodie m’a donné le cœur léger.

Le valet : Je l’ai entendue moi aussi, Monseigneur… Les paroles sont assez explicites :
« Et nous ne serons libres, que lorsque tu le seras ».


Le Président : Quelle infamie ! Quelle bassesse ! Quelle mesquinerie ! Quelle ignigninimignonimie… (Le Président bafouille de colère, éructe de haine)… Appelez mon Ministre de l’Information, mon Ministre de la Guerre et mon Ministre de la Culture !

Le valet : je m’exécute, Seigneur.

(Le valet sort, le Président, seul, arpente la pièce en maugréant d’inaudibles insultes).

- scène 2

(Le Président, son valet, son Ministre)

On frappe à la porte mais on devine que ce n’est pas nous… on sait que c’est le domestique accompagné par le Ministre.

Le Président : Entrez !
Le valet : Son Excellence, Monsieur le Ministre de…
Le Président : Cessez vos palabres de palais… Laissez-nous seul à seul, allez astiquer mon bidet, récurer mes portraits, détrempez mes perruques… Disparaissez !

(Le valet sort, le Ministre entre plénipotant une longue cape d’or et d’argent dans un curieux gloussement de vase communiquant).

- scène 3 –

(Le Président, son Ministre)


Le Ministre : Vous m’avez fait mander, Sire ?
Le Président : C’est cela, je vous ai mandé… Asseyez-vous sur ce tabouret et écoutez (le Ministre s’assoie sur un petit tabouret, il regarde étonné son président siffler).
Le Ministre : C’est charmant votre Altesse, mais je ne vois pas trop…
Le Président : Je ne vous demande pas d’ouvrir vos yeux, je vous demande simplement de tenir vos oreilles à l’affut ! C’est pour cela que je vous paye grassement. Reconnaissez-vous cet air ?
Le Ministre : Heu.. Non votre Honneur, pardonnez-mon embarras, mais je ne suis pas mélomane… Je suis… Je suis un soldat (il se redresse au garde-à-vous).
Le Président : Vous n’êtes qu’un ignare incompétent, puisque vous ignorez, vous, mon Ministre de l’information l’existence de cette… de cette provocation musicale. C’est donc à moi de vous informer.
Le Ministre : Eclairez-moi Monseigneur.
Le Président : Cet air a été diffusé, ce matin sur ma Radio Nationale.
Le Ministre : Ce n’est qu’un divertissement populaire.
Le Président : Populaire, oui ! A mon grand regret… Quant à l’amusement, balivernes ! Il s’agit de propagande active, pensée, organisée, insidieuse… Cette chanson parle de l’Affaire… en des termes qui m’indisposent.
Le Ministre : Fichtre !
Le Président : J’exige, sur le champ, qu’elle soit interdite, j’exige dans le pré que le Directeur Général de ma Radio Nationale soit arrêté selon la procédure d’usage.
Le Ministre : La procédure d’usage pour un notable ?
Le Président : Un traître, un félon, un conspirateur, un bon-à-rien, un incapable incompétent inapte et impuissant. Arrestation, intimidation, confiscation de ses biens, que l’on prenne également sa famille en otages.
Le Ministre : Je m’exécute brillantissime souverain…
Le Président : Si vous trouvez des livres sur ses étagères, brûlez-les !
Le Ministre : J’y vais de ce pas (il fait demi-tour avec le pas de la relève de la garde).
Le Président : Attendez ! Je veux m’adresser également à mon Ministre de la guerre.

(Le Ministre se met au garde-à-vous, il sort une médaille qu’il épingle à son cou).

Le Ministre : Que puis-je pour vous servir, brillant Stratège ?
Le Président : J’ordonne que vous intensifiiez votre pression là-bas…. Envoyez des régiments, déployez la garde, dépêchez vos meilleures troupes !
Le Ministre : c’est qu’ils ne sont pas très bien… très bien outillés, Sire.
Le Président : Mal armés ? J’engloutis chaque année, le trois quart du budget de mon royaume et vous avez le toupet de me parler d’outillage.
Le Ministre : Permettez-moi cette remarque, Votre Altesse, c’est à cause de cette histoire d’armes du désert… Nous avons doté nos divisions de mitraillettes bon marché mais inaptes dans l’humidité, inutile la nuit, inadaptées aux morsures de serpent. Nos armes s’enrayent dans la jungle ! Elles toussent, crachotent, postillonnent mai elles ne tirent pas.
Le Président : C’est une épidémie aujourd’hui. Trouvez une solution où je gèle vos galons dans la carrière du premier bidasse appelé sous mon drapeau.
Le Ministre : Oui, votre honneur, je m’y emploierai. Puis-je disposer ?
Le Président : Je vous ordonne le qui-vive, l’affut, je vous charge d’une mission de la plus haute importance.
Le Ministre (il se raidit) : Oui, Monsieur (il se met au garde-à-vous).
Le Président : Je m’adresse au ministre de la Culture.
Le Ministre : (le ministre réajuste sa tenue, sort une écharpe blanche qu’il ceint autour de son cou frêle) Je suis à vos ordres, Sire.
Le Président : Pour contrer cette menace ritournelle, envoyez-moi mon poète officiel, je veux qu’il m’écrive une chanson. Vous pouvez disposer
Le Ministre : Je le convoque sur le champ.

(Le Ministre sort d’un pas mal à l’aise)

- scène 4 –

(Le Président, son Poète)

(Le Président exhibe une mitraillette de son bureau, puis, de la fenêtre, il vise un oiseau étourdi de printemps. La mitraillette s’enraye, le Président la jette dehors. On frappe à la porte, en rime).


Le Président : Entrez, asseyez vous sur ce tabouret et écoutez (le président siffle).
Le poète : C’est la chanson subversive, Monsieur...
Le Président : C’est son nom… C’est une rengaine nuisible, du sabotage en notes, des mots frondeurs, comploteurs, agitateurs, je ne veux plus que cette antienne se produise à l’antenne !
Le poète : Sage décision doux Maharaja.
Le Président : Je vous ordonne de me concoctez un hymne qui me rétablisse dans mon honneur !
Le poète : C’est un plaisir, grand Mikado de la rime… Le temps de convoquer mes muses et je vous assure d’amuser votre peuple aux dépends de ces farceurs.
Le Président : Vous n’avez pas le temps ! Installez-vous à mon bureau, il y a de l’encre et du papier, écrivez avec votre verve de poète de pacotille, salissez-moi ces renégats, redorez mon blason sous mes yeux !
Le poète : Que votre volonté s’accomplisse ô Tsar de nos pensées (il prend place à la place du Président… Il entame son long chemin de mots entre gribouillis et ratures).
Le Président : Est-ce achevé ?
Le poète : Mon prince, l’inspiration n’est pas une science exacte.
Le Président : Soit, soit, patience…

….

Le Président : Alors ?
Le poète : Laissez-moi terminer ô guide des plumes célestes… Je cherche la rime ultime.
Le Président : Trouvez-là rimailleurs !
Le poète : Le poème est clos, Maître des Lumières.
Le Président : Lisez, c’est un ordre.
Le poète : Il s’agit, votre Altesse, d’une composition romantique, dans la pure tradition d’un Musset écrivant à Georges Sand.
Le Président : Ne badinez pas dans le futile, lisez, c’est un ordre.
Le poète : Son titre : LIBERTE
Le Président : Quelle étrange consonance…
Le poète : La poésie joue parfois un double jeu, Sire.
Le Président : Soit !
Le poète :

Chantez, rechantons car c’est urgent,
Les mots pour le bien du président,
Liberté adorée sans printemps,
Nous sommes avec toi, ô Président,

Nous devons agir dès maintenant,
Ecoutons tes paroles, Président,
Il faut les libérer sur le Champ,
Tes profondes paroles, ô Président.

Le Président : humm.
Le poète : Etes-vous déçu, Altesse ?
Le Président : déçu, non… Je me rends compte que mon royaume n’est pas celui des élus… mais pour le peuple, la médiocrité se chantera dans vos mots.
Le poète : Je vous remer-sire. Le texte ne vous semble-t-il pas trop long ?
Le Président : Cela me chiffonne, c’est vrai, raccourcissez-le.
Le poète : Que dois-je enlever, Monseigneur ?
Le Président : Ce qu’il y a en trop, c’est vous le Poète, assumez !
Le poète : Je vous propose de ne garder qu’un vers sur deux en commençant par le premier.
Le Président : Faites, faites… Ecrivez bien les paroles sur ce document officiel.
Le poète (il recopie ses mots) : Tenez, majesté.
Le Président : L’affaire est close (il signe l’ordre de diffusion du poème sur les ondes de sa Radio Nationale). Vous pouvez disposer.
Le poète : Merci, Illustre Arc-en-Ciel.

(Le Poète sort, laissant las le Président effondré sur son bureau).

- scène 5 –

(Le Président, son Ministre, la foule)

Au loin, on entend une vague clameur, joyeuse, éprise et légère. Le Ministre fait irruption dans le bureau, les cheveux en bandoulière, la cape déchirée, une botte manque à son pied droit.

Le Ministre : Votre Honneur, Votre Altesse, Sire, ça s’étire dans la colère, ça s’émeute, se révolte, ça rêve dans la paix, ça marche sur le palais.
Le Président (s’arrachant au sommeil insongé) : Que se passe-t-il ?
Le Ministre : On s’insurge !
Le Président : Qui ? Où ? Comment ? Quand ? Pourquoi ? Informez-moi, c’est votre affaire !
Le Ministre : Le peuple, dans les rues, sous vos yeux… Ils viennent cueillir le pourvoir.
Le Président : Cueillir le pouvoir ?
Le Ministre : C’est le mot du Poète, il a retourné sa plume contre vous.
Le Président : Il n’a rien retourné, j’ai ordonné que l’on diffuse un message rimé pour contrer cette chanson délictueuse.
Le Ministre : Mais il ne fallait pas la couper, il fallait la diffuser entièrement, pas un vers sur deux.
Le Président : Couper, censurer, c’est ma devise, vous savez.
Le Ministre : Ce n’est plus pareil. En l’amputant, vous lui avez donné un autre sens.
Le Président : Lequel ?
Le Ministre : Celui-ci :
Chantez, rechantons car c’est urgent,
Liberté adorée sans Printemps,
Nous devons agir dès maintenant,
Il faut les libérer sur le Champ,
.
Le Président : Quelle horreur ! Que va-t-il se passer ?
Le Ministre : C’est déjà passé. La paix se négocie, les otages se libèrent, le peuple marche sur le Palais… Celle que vous redoutiez est à leur tête, elle réclame votre départ, elle exige des élections…
Le Président : Quelle horreur, quelle déchéance, des élections !
Le Ministre : Sire, c’est terminé, il faut rendre les clés.
La foule : Et nous ne serons libres, que lorsque tu le seras.



FIN









En toute poésie,
Bruno
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