Sources : site de France Soir
http://www.francesoir.fr/societe/2008/0 ... sions.html
Education - La “petite école” ne remplirait plus ses missions
Martine Del Bono, le lundi 7 avril 2008 à 04:00
Dans un livre provocateur, un inspecteur de l’Education nationale l’affirme et brise le consensus sur cette question. Aurait-il raison ?
Jusqu’à présent, les parents d’enfants en âge de rentrer à l’école maternelle, généralement vers 3 ans, confiaient leurs petits au maître ou à la maîtresse, sûrs de l’efficacité du système. Apprendre même en jouant, petit à petit, à son rythme, est en effet la première mission des enseignants de petites sections.
Alors, lorsqu’un inspecteur de l’Education nationale, Julien Dazay, écrit un livre intitulé Il faut fermer les écoles maternelles, cela peut surprendre. Faut-il s’inquiéter du devenir de nos bambins ? Y a-t-il malaise au sein de l’Education nationale ? En pleine réforme « Darcos » de l’école primaire qui met justement l’accent sur les apprentissages fondamentaux (perfectionnement du langage, découverte de l’écrit et des mathématiques…), le livre de Julien Dazay fait l’effet d’un pavé dans la mare.
Réorganisation
Ce livre est-il destiné à sensibiliser les esprits à des changements imminents ? Est-ce un ballon d’essai ? France-Soir a posé la question au ministère de l’Education nationale. Réponse : aucune réforme des maternelles n’est programmée, pas de réorganisation à l’horizon car « l’école maternelle fonctionne bien, vraiment c’est une école sur laquelle on peut compter », affirme le ministère. Contrairement à certains sujets très controversés comme le non-remplacement des enseignants qui partent à la retraire, les samedis « libérés » ou les heures supplémentaires, l’existence de la maternelle ne faisait jusqu’ici l’objet d’aucune discussion. Quels sont les arguments de Julien Dazay ? Quel but poursuit-il ? Nous l’avons interrogé, avant de donner la parole à d’autres enseignants, très critiques…
Julien Dazay, inspecteur de l’Education nationale et auteur du livre Il faut fermer les écoles maternelles
France-Soir. Vous dites qu’un grand nombre de collègues partagent votre point de vue. Alors pourquoi avoir choisi d’utiliser un pseudonyme et de ne pas apparaître en public ?
Julien Dazay. Je pense en effet que beaucoup de gens partagent mon avis s’ils sont sur le terrain, car ils observent les mêmes choses que moi. Il est très difficile dans notre institution de dire les choses qui font mal. Les syndicats sont très corporatistes et, pour eux, tout va bien. J’exerce encore et le débat risquerait de polluer mon travail. Cela étant, je lèverai certainement le voile un jour ou l’autre.
Si des dysfonctionnements tels que vous les décrivez sont avérés, n’est-ce pas justement le travail de l’inspecteur de l’Education nationale d’intervenir pour régler le problème ?
Bien sûr et il le fait, il intervient. C’est un travail très difficile et compliqué. Exemple : les agents territoriaux spécialisés d’école maternelle (ATSEM) qui s’occupent de l’hygiène et des activités des enfants relèvent d’une double autorité, celle de la municipalité et celle de l’Education nationale. Il faut gérer les conflits dans la vie de tous les jours et cela arrive très souvent. Autre exemple : les horaires, il y a la loi et on doit la respecter. Nous devons le rappeler en permanence. Le jour de l’inspection, on relève un certain nombre de choses mais on ne visite pas une classe tous les ans, plutôt tous les quatre ans en moyenne. La journée type évoquée ne fait pas partie de la majorité des cas rencontrés, seulement on se dirige vers ce genre de dérives. La maternelle est la seule école n’ayant jamais été évaluée. Il est temps de regarder ce qui s’y passe. N’emmenons pas nos enfants à l’échec au cours préparatoire.
Mépris pour le métier d’enseignant, méconnaissance du terrain, provocation… Votre livre suscite des commentaires acerbes. Avez-vous des comptes à régler avec le milieu éducatif ?
Non pas du tout, j’exerce ce métier depuis près de trente ans et je n’ai aucun compte à régler. J’ai écrit ce livre pour provoquer le débat, donner des pistes afin d’améliorer le système. Les réactions que vous citez sont celles des syndicats qui ont démoli le livre avant sa parution, à la simple lecture du titre. Actuellement, deux élèves sortant de deux classes différentes ne sont pas préparés de la même manière et arriveront avec des acquis différents en classe préparatoire, c’est cela qu’il faut changer et améliorer. Mon seul objectif est de trouver des solutions pour donner à tous les élèves les mêmes chances de réussir.
Si la situation est si catastrophique, pourquoi ne pas être passé dans le privé ?
Non, je suis un pur produit de l’école de la République. Je défends le service public et le droit de tous. C’est un cri d’alarme. Les inspecteurs du public et du privé sont les mêmes et l’école ne fonctionne pas mieux dans le privé. La dérive est générale.
Etes-vous politiquement engagé ?
Non pas du tout, j’ai une sensibilité politique bien entendu, mais je n’ai aucun état d’âme à ce propos.
Il faut fermer les écoles maternelles, le plaidoyer d’un inspecteur de l’Education nationale, Julien Dazay, éditions Michalon, 14 euros.