Source : http://www.nosenchanteurs.eu/index.php/ ... 4yceh8dmHcMichel Kemper a écrit :Quitte à recruter chez les pandores, il faut vite réinstaurer une police de la pensée pour maîtriser celle, forcément subversive, des artistes. Pour contrôler, dissuader a priori, sanctionner a posteriori chaque chanson, chaque commentaire. Faire de tout chanteur un zombie dont les propos ne seraient qu’agréables au prince, doux à ses oreilles.
Comme sous Napoléon III quand les marionnettistes lyonnais durent soumettre à la censure les dialogues de leur Guignol, eux qui n’étaient auparavant que pure improvisation, totale liberté de penser.
Izia, la fille d’Higelin, s’amuserait bien à transformer Macron en piñata frappée de battes avec des clous. C’est ce qu’elle a osé dire en concert avec force détails. Un peu comme Guignol justement et son gros bâton pour rosser le gendarme… Aussitôt maréchaussée, justice et tribunal médiatique, de la droite à son extrême, se ruent sur la chanteuse : vite, jetez-la dans les geôles de la République, au pain sec et à l’eau !
Un chanteur est au micro ce qu’un écrivain est à son clavier, un peintre à son chevalet : il crée, il rêve, il imagine, il fantasme, il peut transformer sa légitime colère en prose comme en vers. Il anime le personnage qu’il est, sans forcément qu’on puisse le prendre pour chef de meute. Si Souchon prétend que « chanter c’est lancer des balles », ce sont les forces de l’ordre et personne d’autre qui, en notre belle démocratie, éborgnent les gilets jaunes et les militants verts de leurs impitoyables lanceurs de balles…
Serait-ce que notre liberté d’expression – cette liberté guidant le peuple chère à Delacroix – soit à ce point démonétisée, darmanisée, pour qu’une chanteuse soit menacée des pires répressions (le parquet y voyant une « provocation publique à commettre un crime ou un délit », rien que ça) et de privation de scènes pour avoir dit publiquement, avec honnêteté, humour et un rien d’émotion fort imagée, son aversion pour notre actuel président ?
Que je sache, sous la Fronde, les mazarinades menaçaient le Cardinal et la Régente de bien d’autres et pires mots, de délicats et plus expéditifs supplices : « Faut sonner le tocsin, din guin din / Pour pendre Mazarin ! »
Plus près de nous, nombre de rappeurs furent poursuivis par Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur devenu président : souvent des années de procédure pour qu’au final l’homme aux talonnettes Rolex et gourmette morde chaque fois la poussière et se ridiculise plus encore : malgré des propos souvent orduriers et autrement plus menaçants qu’une piñata, les juges ont toujours donné raison à la liberté de création.
Pour prolonger ce billet, on lira le livre "Si Macron m'(était dé-chanté"
Pour prolonger ce billet, on lira le livre « Si Macron m’était dé-chanté »
L’esprit des mazarinades s’est exercé contre lui. Et plus encore contre un Emmanuel Macron haï comme jamais. Ce qu’on a chanté jadis à propos de Mazarin, on le fait à nouveau. Ainsi Saez : « Ami, il est l’heure, poing levé c’est sûr, de pendre le banquier ».
La presse se délecte de ce que le propos d’Izia pourrait lui coûter, en kilotonnes de prison et d’amendes, pire encore si son « appel » était suivi d’effet. Car il est de bon ton de rappeler aux artistes de tout poil que c’est déjà bien qu’ils puissent encore se produire dans ce havre de liberté qu’est notre pays mais que la chanson engagée c’est fini depuis longtemps, qu’ils doivent à présent au mieux célébrer le roi, au pire fermer leur gueule.
Et vive la liberté d'expression !!!