L'Humanité des 26/11 et 27/11

Votre avis, vos critiques, vos réflexions... (sortie de l'album le 23 novembre 2009)

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david
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L'Humanité des 26/11 et 27/11

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Cultures - Article paru
le 27 novembre 2009

Rencontre. Musique
Renaud. Vagabondage irlandais
Depuis la Ballade nord-irlandaise, ?en 1991, on savait que Renaud aimait l’Irlande. Aujourd’hui, il sort l’album Molly Malone, ?et nous invite ?à une promenade ?en terres celtes ?en reprenant treize chansons traditionnelles témoignant de l’histoire de ce pays.

Vous sortez, Molly Malone, un album entièrement consacré aux musiques irlandaises. À quand remonte votre passion pour l’Irlande? ?

Renaud. Cela doit faire plus de vingt ans, quand je suis allé avec une équipe de Canal Plus tourner une émission dans le Connemara. J’ai été bouleversé par les paysages, séduit par les gens. C’est un des peuples les plus sympathiques d’Europe. Cette fraternité, cette joie de vivre. On l’a vu notamment récemment à l’occasion d’un match de football où d’autres supporters qu’eux auraient tout cassé, semé la terreur dans la banlieue du stade de France, à Saint-Denis. Je connais l’histoire et un peu la géographie de ce pays, mais ce qui m’a guidé là-bas, c’est son folklore et ses chansons traditionnelles.

Qu’aimez-vous précisément ?de la culture irlandaise? ?

Renaud. Elle est très riche. Quand je vais là-bas, je sens que les gens sont attachés à leur terre, leur patrie, leur pays, leurs racines, à leurs légendes. Cela me touche infiniment.

Vous avez failli vous installer ?à Londres. Pourriez-vous vivre en Irlande? ?

Renaud. Je crois que, définitivement, je suis fait pour vivre en France, quitte à voyager à l’occasion en pays étranger. Je suis attaché, moi aussi, au moins à ma ville.

Quand on écoute votre nouvel album on se dit que vous auriez pu naître dans ces terres de vent, de bruyère, de tourbe et de bière tellement vous vous êtes imprégné de ces ambiances…

Renaud. Parce que j’aime ces chansons traditionnelles que j’ai écoutées pendant vingt ans. Il y avait plus de trois cents chansons en stock, j’en ai gardé treize. Quand j’étais à Londres en 1991 pour l’album Marchand de cailloux, j’ai écumé les disquaires au rayon musiques irlandaises. J’allais des plus anciens aux plus modernes, des Pogues jusqu’aux Dubliners. J’ai découvert des joyaux et j’en ai délaissé certains. Mon répertoire n’est pas très éloigné de la chanson irlandaise, laquelle a émigré aux États-Unis pour devenir le folksong et un peu la country. Tous ces répertoires ont influencé le mien dans une certaine mesure. Qu’est-ce qui vous fait vibrer dans ?les musiques celtiques? ? Renaud. À la fois la mélancolie et la joie de vivre qui s’en dégagent. Quand les Irlandais ont l’occasion de jouer en public, la fraternité autour d’une Guinness pour écouter cette musique et chanter en chœur, c’est formidable.

Vous avez d’ailleurs eu l’occasion ?de jouer là-bas dans des pubs…

Renaud. J’ai produit moi-même financièrement une tournée qui m’a coûté les yeux de la tête, avec sept musiciens, la sono, les voyages, les hôtels, les cachets. Je suis parti en 1997 pour quinze jours en Irlande, une douzaine de villes dont Shannon, Cork, Galway, Limerick, Dublin, Belfast… Un souvenir inoubliable. Chanter dans des pubs archibondés, noirs de monde irlandais. J’avais tout à offrir et à démontrer, alors que quand je chante ici, j’ai un public plutôt acquis d’avance, même si ce n’est jamais le cas. Là-bas, j’avais tout à prouver et je me suis décarcassé sur des scènes improbables, parfois sans estrade où on chantait au ras du sol, avec des gens presque assis sur nos genoux. Vous chantiez en français? ?

Renaud. Oui et je faisais les présentations en anglais dans mon anglais approximatif avec l’accent de Maurice Chevalier? ! (rires)

Comment avez-vous adapté ?ces chansons traditionnelles pour ?les traduire au mieux? ?

Renaud. Les traductions sont d’Henri Loevenbruck, un ami écrivain qui a travaillé sur les textes, une trentaine. Moi, j’ai choisi les musiques qui me séduisaient le plus. J’en ai délaissé des magiques. C’est toujours un choix difficile car choisir, c’est renoncer. Il fallait ensuite que le sujet m’inspire soit en restant fidèle aux paroles, soit en dérivant vers d’autres sujets.

En quoi ces chansons traditionnelles restent-elles d’actualité? ?

Renaud. Elles sont d’actualité parce qu’elles parlent du chômage, de l’exil, d’émigration, de difficultés économiques, de misère, de conflits, d’antimilitarisme, notamment dans Willie McBride, une chanson sur la guerre de 1914-1918. Je ne sais pas toujours de quand elles datent, si elles sont du XIXe ou du XXe siècle ou plus anciennes pour certaines, mais je trouve que ce disque est vraiment les deux pieds dans l’actualité, très marqué par son époque.

Avec toujours un côté insoumis ?que l’on retrouve dans vos choix…

Renaud. Dans les chansons irlandaises, s’il est un peuple insoumis, c’est bien le peuple irlandais. Mais il y a aussi des chansons d’amour, Je reviendrai, la Fille de Cavan, Molly Malone…

Qui est Molly Malone? ?

Renaud. Une figure légendaire, mythique de Dublin, qui a sa statue dans cette ville. C’était une marchande de poissons qui vendait des coques et des moules à la criée sur un chariot. Une femme qui vendait aussi ses charmes à l’occasion, qui est morte d’une maladie d’amour.

Vous qui venez d’un milieu relativement privilégié, comment expliquez-vous que vous chantiez avec autant de justesse les gens ?du peuple, le monde ouvrier, ?les usines qui ferment? ?

Renaud. Parce que j’y suis sensible, parce que ça me touche infiniment, me bouleverse. Cela me révolte de voir des pans entiers d’industries, les filatures, les chantiers navals, les mines de charbon, les aciéries, qui ferment, licencient et mettent sur le carreau et à la rue des familles entières, des milliers d’individus. Je viens des classes moyennes, mais je suis sensible au destin parfois tragique de la classe ouvrière.

Vous sentez-vous une âme ?de « vagabond », à l’image ?de la chanson qui ouvre l’opus? ?

Renaud. Non, mais j’ai de l’admiration pour ces gens qui marchent le long des voies ferrées, prennent des trains au hasard pour aller de ville en ville, espérant trouver un emploi. Les vagabonds, les sans-emploi, les migrants, les routards de la misère…

Comment l’auteur d’Hexagone ressent-il le débat sur l’identité nationale? ?

Renaud. Je n’y comprends rien. Je ne saurais même pas dire ce que c’est que l’identité nationale, à mes yeux. À part vivre ici et avoir du respect pour son prochain. J’ai l’impression que ce débat a été ouvert par la droite, par un ex-mec de gauche qui plus est, pour séduire l’électorat du Front national aux prochaines échéances électorales. C’est une spécialité sarkozyenne. Je trouve que le problème ne se pose pas. Ce n’est pas l’immigration qui pose un problème à l’identité nationale. Je ne crois pas que dans les autres pays d’Europe, il y ait de tels projets de loi. Il y a des relents de xénophobie. Chasser les immigrés, chasser les sans-papiers, les sans-abri – et dieu sait s’ils sont nombreux –, se refermer sur soi-même au lieu de s’ouvrir aux autres. C’est un rejet absolu de ce que j’aimais en France, cette tradition de terre d’asile et d’exil pour les réfugiés économiques ou politiques du monde entier.

Des sujets qui pourraient faire l’objet d’un prochain album? ?

Renaud. Probablement d’une chanson. Mais les chansons, je les espère touchant des sujets plus universels que des problèmes franco-français. Je suis plus sensible au problème du milliard d’individus qui n’ont pas accès à l’eau potable qu’au problème de l’identité nationale. Mais, au passage d’un couplet ou d’un refrain, j’aurai sûrement quelques coups de griffes à adresser à ce gouvernement.

Justement, vous parlez dans Vagabonds d’un système qui détruit ?nos rêves…

Renaud. Un système qui s’écroule aujourd’hui et fait s’écrouler les rêves de toute une vie. Il y a huit millions de personnes en France, près de 15 % de la population, qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Je trouve ça scandaleux. Dans un pays riche, moderne, huit millions de personnes sans emploi, sans avenir, des gens qui du jour au lendemain perdent leur emploi et, qui faute de pouvoir honorer des crédits, se retrouvent dans une caravane ou dans une voiture. Je vois ça à travers le prisme de ma télévision et ça me choque, me met en colère, me bouleverse.

Vous reprenez une nouvelle fois ?la Ballade nord-irlandaise, qu’est-ce qu’elle dit au fond, cette chanson? ?

Renaud. Elle parle de fraternité, notamment dans le conflit qui oppose protestants et catholiques en Irlande du Nord, elle parle d’amour à travers le symbole d’un arbre (un oranger) qui symboliserait la liberté, comme on en a planté un à la Révolution française.

Envisagez-vous des concerts dans ?les pubs? ?

Renaud. Je l’ai fait avec mes chansons, mais avec les leurs, j’ai peur qu’ils ne fassent trop la comparaison. Le seul regret que j’ai avec cet album, même si je me fais reprocher de-ci, de-là sur des blogs ma voix pourrie alors qu’elle ne l’est pas tant que ça, c’est que ces chansons, elles sonnent infiniment mieux en anglais qu’en français. La langue anglaise est plus mélodique. C’est comme si un chanteur irlandais inconnu venait en France interpréter Brassens en français. Je n’ai pas prévu avec cet album de faire de scène. Le public est toujours fidèle et amoureux des anciennes chansons. Il réclame Hexagone et Mistral gagnant. Je vais attendre que ces chansons irlandaises fassent partie de leur mémoire, qu’elles renvoient à des souvenirs de leur vie et qu’elles soient bien ancrées dans leur cœur. Pour qu’ils aient du bonheur à les écouter et qu’il les chante en chœur avec moi plutôt que de les applaudir du bout du doigt poliment parce que ce sont de nouvelles.

Vous dites que vous vous faites accrocher sur votre voix…

Renaud. Violemment. Je n’ai jamais été un grand chanteur, mais qu’est-ce que je dérouille? !

Comment vivez-vous cela? ?

Renaud. Je sais que j’ai des problèmes vocaux, je dois avoir une inflammation des cordes vocales, même quand je parle. C’est comme à la télévision où le trac tétanise mes cordes vocales. Je vis assez mal les critiques sur ma voix. Quand on dit que je chante moyennement, c’est supportable, mais dire que je chante « atrocement mal », je trouve ça dégueulasse, surtout dans cet album-là où j’ai vraiment fait des efforts. J’ai travaillé et retravaillé, chanté et rechanté à l’aide parfois de cures de cortisone pour dégager les cordes vocales. Je trouve cet album tout à fait audible et vocal. C’est ma voix, et en plus c’est exactement les chansons interprétées en chœur dans les pubs.

Entretien réalisé par Victor Hache

http://www.humanite.fr/2009-11-27_Cultu ... -irlandais



monde
Renaud. Par amour de l’Irlande
Avec « Molly Malone », Renaud signe un très bel album tout entier dédié à ce pays qu’il aime profondément.

Ce jour-là, Renaud n’avait pas envie de parler de politique. Alors, nous avons évoqué l’Irlande, un pays qu’il aime profondément, auquel il consacre aujourd’hui tout un album. Après Rouge Sang, il revient avec Molly Malone, figure du petit peuple de Dublin que le chanteur d’Hexagone affectionne. Renaud chante l’Irlande où l’on entend tournoyer la « mélodie du vent sur Belfast Mill », à l’est de la ville. Un opus qui sent la tourbe et la bière, l’amour pour la patrie et la révolte du peuple irlandais devant la maudite Angleterre. Depuis 1991 et la Ballade nord-irlandaise qu’il avait déjà interprétée, aujourd’hui réarrangée de manière plus lente, Renaud rêvait de rendre hommage à ce pays en reprenant ses plus belles chansons traditionnelles. Voici donc 13 chansons issues du folklore irlandais, qu’il a adapté avec une grande sensibilité. Tout y est, l’idée de liberté des enfants de l’Irlande, le rêve d’ailleurs des mineurs, la colère des ouvriers devant les usines qui ferment, les combattants de l’IRA au nord, les quartiers populaires de Dublin, la nostalgie pour sa blonde délaissée… Autant de mélodies tour à tour mélancoliques ou joyeuses, qui nous paraissent étrangement familières. Bluesman celtique au timbre éraillé, Renaud est à son affaire, heureux de nous faire partager sa promenade irlandaise sur fond de violons, de cornemuses, de guitares acoustiques et de percussions celtes. Un répertoire populaire où sa voix traînante restitue parfaitement l’ambiance des pubs des docks. L’œuvre d’un vagabond on ne peut plus émouvant.

V. H.

Album Molly Malone, balade irlandaise chez Virgin

http://www.humanite.fr/2009-11-27_Cultu ... -l-Irlande



26/11 :

Société -

Jeunes correspondants
Renaud reverdit

David Gaini, vingt et un ans, Nîmes.
On était quasiment sans nouvelles de Renaud depuis deux ans, et sa remarquable prestation à la Fête de L’Humanité 2007. Le « chanteur énervant » refait parler de lui avec son nouvel album Molly Malone – Balade irlandaise, composé de treize chansons, des classiques irlandais, interprétés en français par l’auteur de Marchands de cailloux (1991). La voix, certes enrouée, du poète traduit une certaine mélancolie, mais aussi l’amour pour ce peuple et ce pays dont il affectionne l’esprit rebelle. Même s’il s’agit d’un album de reprises, Molly Malone ne dépare pas du reste de son oeuvre. Les thématiques abordées (chômage, exil, fermetures d’usine, misère, qui sont les thématiques de l’Irlande, comportent néanmoins une certaine universalité, en ces temps de crise. Et si Renaud nous suggérait, en nous faisant découvrir le folklore irlandais, de transformer notre désarroi en révolte ? De mêler cette révolte à une combativité festive, qui permet de fédérer entre eux les damnés de la terre. Face à la fatalité ambiante, Molly Malone nous invite à devenir des insoumis.

http://www.humanite.fr/2009-11-26_Socie ... d-reverdit
"On court deux dangers spirituels à ne pas posséder une ferme. Le premier est de croire que la nourriture pousse dans les épiceries. Le second, de penser que la chaleur provient de la chaudière." Aldo Leopold
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