Et le reste est littérature...

[Didier Lembrouille]

Pourtant c'est un beau texte que j'ai écrit. Concis avec un jeu de mot. Rien à redire.

[Sophie du moulin]

Concis et pas compromettant !

Bon allez pour faire plaisir à Lucien
Un texte pas trop intime et qui reste dans le thème du forum:

"L'échappée"
Les jours de blues, de cafard
J’aime un lieu à l’abri des regards
Pourtant baigné de lumière
Bruyant et crachant la poussière.
A peine ai-je mis le contact
Que je choisis le CD avec tact.
Bien sûr le volume à fond
Faisant tout vibrer du sol au plafond
J’oublie un peu le compteur
Je laisse éclater ma douleur.
Les yeux portés sur l’horizon,
Mon pied appuie sur le champignon.
Les notes, les mots dans cet espace
Me transpercent, prennent toute la place
Tantôt comme des coups de poignard
Tantôt comme de puissants phares.
Mes gestes se font automatiques,
Mes émotions paroxystiques.
Quand les larmes coulent enfin
C’est un torrent sans fin.
Alors je sais que viendra l’apaisement,
Peut-être au prochain tournant.

[lucien]

Merci pour le partage! C'est vraiment bien écrit...surtout la dernière phrase que j'aime particulièrement.

[Tha_moumou]

J'aime bien aussi, mais faut surtout pas laisser Bucolo écrire la musique.

[Tha_moumou]

Je trouve que je parle trop, et/ou trop mal,d'une façon générale.
Y a déjà trop de bruit tout autour, partout, je peux pas en ajouter davantage, inconsidérément.

Non mais pareil, mais à un moment faut commencer à faire confiance à ceux qui disent qu'ils aiment te lire ou t'entendre, même si toi tu trouves que tu racontes de la merde.

[Blaise Poulossière]

Bien Sophie, c' est très bien d' avoir pris sur toi. En plus c' est pas mal ce que tu écris... Si si. Même si toute fois, on peut sentir que la recherche de la rime t' emprisonne et te bloque. Lâche-toi, on s' en fout des rimes depuis Cendrars. (et peut-être même avant, je sais pas, je voudrais pas avoir l' impression de me la péter !)

[Sophie du moulin]

Bien Sophie, c' est très bien d' avoir pris sur toi. En plus c' est pas mal ce que tu écris... Si si. Même si toute fois, on peut sentir que la recherche de la rime t' emprisonne et te bloque. Lâche-toi, on s' en fout des rimes depuis Cendrars. (et peut-être même avant, je sais pas, je voudrais pas avoir l' impression de me la péter !)

Je suis sensible à ta critique Blaise. J'ai conscience que les rimes peuvent parfois donner le sentiment que ce n'est pas le mot "juste", mais je ne pense pas avoir une plume suffisamment "fine" pour me passer de cet "artifice esthétique" . Je trouve que sans les rimes c'est pour les très grands....tu sais bien que je suis toute petite. Mais j'essaie de ne pas me laisser "piéger" par les exigences des rimes.... et promis je vais tenter de prendre plus de libertés.

Et puis du coup, j'en mets un deuxième, plus "engagé" dirons-nous. Je l'ai écrit plus récemment, en août dernier :

COUPABLE(S)!

Est-elle vraiment un monstre?
Est-elle si différente de nous ?
Son histoire fatalement nous montre
Que des paroles mettent à genoux.
D’abord ce fut un fait divers,
J’ai senti mon sang se glacer
Ce n’était pourtant pas l’hiver
Et de stupeur j’ai grimacé.
Très vite des images insoutenables
Charriées par une immense tristesse
Ont jailli d’un monde impalpable
D’incompréhension, de détresse.
Pourtant il me fut impossible,
De ne pas voir d’humanité,
Il s’agissait de crimes horribles
Mais par leur singularité
Et parce qu’il s’agissait d’une mère,
J’ai éprouvé de l’empathie,
Elle n’était pas une étrangère,
De notre monde, elle faisait partie.
J’écoutais d’une oreille distante
Les détails macabres de l’affaire.
A mes yeux, la chose importante
Fut de comprendre comment une mère
En arrive à donner la mort
Aux huit enfants qu’elle met au monde
Donnant l’apparence au dehors
Que tout va très bien en ce monde.
Etrangement les histoires d’inceste
Me paraissaient presque anodines
Au fond de moi j’attendais le « reste »
Cette souffrance immense qu’on devine
Née de maltraitance ordinaires.
Mais étions nous prêt à entendre?
Que ce sont nos langues de vipère
Qui aux enfers l’ont fait descendre.
Une enfance ponctuée de moqueries,
Une relation au corps complexe,
Une image de soi fragile, meurtrie.
J’imagine alors que le sexe
Au moment des premiers amours
Ne fut pas une folle expérience
Qu’à l’arrivée à ce carrefour
Elle s’est murée dans le silence.
Et que dire de l’humiliation
Le jour où elle donna la vie
Ce manque de considération
Qui l’a clouée sans préavis,
Au rang inférieur des humains.
Elle n’était plus qu’un tas de graisse
Un corps malmené par des mains
Qui mesurent, dégainent et agressent.
Bien sûr les sages nous opposeront
Que quelque soit le traumatisme
Il n’explique, nous en conviendrons
A lui seul, par quel mécanisme
Elle a commis l’irréparable.
Mais rien ne sert de l’accabler,
Bien entendu, elle est coupable,
Mais son histoire nous fait trembler.
Quand face aux paroles assassines
Nous ne nous indignons même pas
Que nous laissons des attaques mesquines
Sans même faire notre méa-culpa
Sournoisement devenir banales
Que presque on les légitimise,
Alors des êtres deviennent bancal.
Ceci n’est pas une expertise,
Juste mon sentiment, ma colère
La peur qu’on ne garde en mémoire
Que l’horreur, la folie d’une mère
Plutôt que les clés de son histoire.

[lucien]

Extrêmement touchant, même pour un homme.


Encore!

[Blaise Poulossière]

Je trouve que sans les rimes c'est pour les très grands.

Je pense pas que ça ait grand chose à voir. Y a plus de facilité dans la "prose" (ou disons la liberté d' une certaine manière de découper les phrases) pour être plus juste et proche de ce qu' on veut dire. Et les vers mettent plus en évidence les maladresses je pense.

[lucien]

Baudelaire pensait précisément le contraire. En gros, il disait que plus on s'imposait de contraintes (les rimes, pour notre cas mais il parlait d'alexandrins, etc), plus le résultat serait pertinent car un gros travail de recherche de mots précis était nécessaire.
Il disait aussi qu'on perçoit mieux l'infini à travers un petit trou (bon, ok, les jeux de mots...), ce qui n'a pas rien à voir.

Mais il disait des conneries, aussi, hein.

[Aïdos]

J'aime encore mieux Baudelaire depuis que je connais sa tête.

Moche et tout pété comme il était, c'était le génie ou rien du tout, pour lui, dans ce monde.
Ces textes gagnent en nécessité, pour moi.

[Blaise Poulossière]

Ah il disait ça ? Enfin lui il pouvait se permettre et pour lui s' était pas une entrave. Il a même poétisé en latin avec en plus traduction en vers Français. Faut aimer les chalenges ! Et c' est clair que ça demande beaucoup de boulot.

[Sophie du moulin]

Je trouve que sans les rimes c'est pour les très grands.

Je pense pas que ça ait grand chose à voir. Y a plus de facilité dans la "prose" (ou disons la liberté d' une certaine manière de découper les phrases) pour être plus juste et proche de ce qu' on veut dire. Et les vers mettent plus en évidence les maladresses je pense.

Baudelaire pensait précisément le contraire. En gros, il disait que plus on s'imposait de contraintes (les rimes, pour notre cas mais il parlait d'alexandrins, etc), plus le résultat serait pertinent car un gros travail de recherche de mots précis était nécessaire.
Il disait aussi qu'on perçoit mieux l'infini à travers un petit trou (bon, ok, les jeux de mots...), ce qui n'a pas rien à voir.

Mais il disait des conneries, aussi, hein.

Quand j'écoute les chansons de Pierre Perret qui sont bien construites, avec une certaine rigueur mais où les mots sont toujours si justes et avec une "légèreté", je me dis que c'est un travail d'orfèvre et je suis épatée et je sens bien que je suis loin de cette "aisance" à m'approprier les contraintes du genre. Mais quand je lis de la prose poétique, cela me semble encore plus loin de mes possibilités. Je ne vois même pas le chemin par lequel passer. J'ai un esprit plutôt synthétique et je parviens mieux à dire avec peu de mots mais précis qu'avec de longues phrases. Mais la question est intéressante. C'est bien de la soulever.

[lucien]

Je te conseille "les petits poèmes en prose" ("le spleen de Paris") de Baudelaire, justement, qui était pas à une contradiction près...

Ou sinon, le grand, l’immense Bukowski!!

[lucien]

L'étranger

- Qui aimes-tu le mieux, homme enigmatique, dis? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
- Tes amis?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages!

Baudelaire: Petits poèmes en prose, I (1869)