Mistral manquant

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SVPat
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Mistral manquant

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Les invités du Point
L'écume du jour
Bérengère Krief : Mistral Manquant

Je sais pas si tu as ?


Le Point - Publié le 15/05/2015 à 10:11
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Bérengère Krief : Mistral Manquant


En regardant le documentaire consacré à Renaud, Bérengère Krief a été submergée par une vague de souvenirs, d'émotion et d'humour...

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Renaud en concert à la Bastille le 8 juillet 1989. © Patrick Hertzog/AFP

Par Bérengère Krief

Cette semaine, j'ai appris que c'était l'anniversaire de Renaud. En dérivant dans les méandres de mon écran, je suis tombé sans le faire exprès sur une émission qui lui était dédiée. J'ai donc passé ma soirée à écouter la vie d'un homme, à regarder le destin cru d'un idéaliste écorché. Et je me suis dit que ce mec-là avait mis son coeur en chanson, un roman-photo de mélodies pour se raconter, s'accrocher et nous embarquer. Ce voyage en Renaudie me colla les larmes aux yeux et me tordit les tripes tant il était tout à la fois délicieux et douloureux.

En chantant ses états d'âme, il a aussi chanté l'époque. En parlant de lui, il a tellement parlé de nous avec ses mots aiguisés comme des couteaux qui ne nous arrivent jamais au visage, mais en pleine gueule, et ça secoue.

Dans ses colères, pas de calculs, dans ses chagrins, pas de pathos, hypersensible sans sensiblerie, Renaud nous regarde dans les yeux dans chacun de ses murmures. Et forcément on baisse un peu les nôtres, c'est dur de soutenir ce regard-là tout entier.
Renaud nous plaque contre le mur

De toutes les plumes qui se sont essayées à aimer les femmes, celle de Renaud, sèche et directe, est la seule qui, dans son encre, nous ait autant rencontrées. Pas de rime sucrée avec le soleil couché, ou le vent dans nos cheveux. Pas de déshabillé de soie, ou d'effluves d'ambre boisé. Renaud nous plaque contre le mur pour fustiger Mme Thatcher et nous colle le frisson divin, celui qui naît au creux des reins.

"Femme du monde ou bien putain, qui bien souvent êtes les mêmes, femme normale, star ou boudin, femelles en tout genre je vous aime."

Dans la bouche de Renaud, on est gonzesse et on se sent belle ! On est femelle et on est fière. Il n'y a pas d'explication, ou, s'il y en a une, elle n'est pas intellectuelle mais émotionnelle. On pourrait tomber enceinte, mais ce qui nous bouleverse vraiment, c'est un jour de tomber en cloque parce que ce mec qui démêle les pelotes de laine de sa gonzesse énervée à cause des poils du chat qui traînent, il nous percute. Ce mec, c'est mon mec, mon père, mon grand-père, mon frère ou mon fils. Il ne chante pas les nuages bleus, la poussière d'ange et les métaphores chantilly de la paternité. Renaud te prend la main et la pose sur le ventre plein de celle qu'il aime. Et toi aussi tu sens comme des coups de poing, ça bouge.

"Elle a mis sur l'mur, au-dessus du berceau, une photo d'Arthur Rimbaud. Avec ses cheveux en brosse, elle trouve qu'il est beau, dans la chambre du gosse, bravo."
On veut juste lui dire qu'on l'aime

L'histoire de Renaud s'écrie dans ses albums qu'on écoute comme on feuillette ceux de nos propres familles. De sa fille, je sais le prénom, qu'il a mis en chanson, et l'âge, parce que c'est le même que le mien. Lolita est entrée dans nos mémoires collectives, avec la silhouette fragile d'un blondinet à l'air mutin venu guitare à la main nous chanter son béguin. Un papa morgane de sa fille, et ce sont des générations de petites gonzesses (comme moi) qui ont nourri leur Oedipe aux refrains de Renaud.

"J'les connais bien les playboys des bacs à sable, j'draguais leurs mères avant d'connaître la tienne. Si tu les écoutes y t'f'ront porter leurs cartables, 'reus'ment qu'j'suis là, que j'te r'garde et que j't'aime."

En regardant cette émission, j'ai eu une impression bizarre... Un goût doux-amer. Si doux de retrouver son minois d'oisillon tombé du nid, cette voix, ce blouson, ce bandana, ce cheveux jaune, ce poing levé. Et tous ces mots. Et amère, cette impression de parler de lui au passé.

Renaud n'est pas mort, il est ailleurs. On aimerait le savoir serein, bien. En fait, il nous manque, c'est tout. On ne veut pas l'emmerder, pas le juger, pas le brusquer. On veut juste lui dire qu'on l'aime. Et puis merci. Je dis "on" par pudeur, et aussi parce que je sens bien qu'on est plein.

"Te raconter enfin qu'il faut aimer la vie et l'aimer même si le temps est assassin et emporte avec lui les rires des enfants... Et les Mistral gagnant."
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Je préfère manger une pomme de terre debout qu'un steak à genoux !
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