Le chanteur greffé croque la vie et dit merci
Jean-Michel Piton : chanteur-poète à la voix forte, à la fois douce et rugueuse, chante la vie après la greffe.
Entre guillemets. Jean-Michel Piton, le poète installé en Vendée, revient de loin. Greffé du foie, il chante joliment sa gratitude au donneur. Une ode à la vie et à la fraternité.
« Pour moi, l'hiver 2006 a été compliqué. J'ai été opéré d'une greffe du foie. Cette transplantation est rare, non pas au plan technique, mais parce qu'il y a peu de donneurs. Après la greffe, ce n'est pas simple. Il y a d'abord l'angoisse que l'opération rate. J'ai fait une chanson que j'ai appelée « Je suis organe de toi », en clin d'oeil à celle de Renaud. Comment ne pas dire merci au donneur, à la famille et aux chirurgiens qui ont permis que je vive ?
J'aime la poésie qui parle aux gens
« Je suis né en 1951 au May-sur-Evre, près de Cholet. J'ai vécu dans ce village jusqu'à mes 20 ans. J'ai perdu mon père très tôt, à 13 ans, à un moment crucial de la vie. Quelque temps après, j'écoute « Mon petit garçon », de Serge Reggiani. Et tout d'un coup, le monde s'ouvre. Écouter « Ce soir mon petit garçon, mon enfant, mon amour », ça m'a tué. Je ne savais pas qu'à travers les mots, on pouvait faire monter les larmes et les rires. Après, j'ai dévoré Brel, Brassens, Barbara...
« Jeune, je chantais dans les fêtes locales et travaillais dans les usines à chaussures du Choletais. Mon père était musicien et faisait du théâtre. J'ai dû attraper ses gènes. J'aime la poésie qui parle aux gens, qui suggère, leur permet d'aller leur chemin d'imaginaire : celle de Baudelaire, Richepin ou Bernard Dimey. Richepin a écrit des merveilles ô combien populaires ! Cette poésie a pour moi été aussi une révélation. Je cherche, à travers l'écriture, à engager l'auditeur dans des petits jardins cachés, où chacun peut se retrouver. Un peu comme quand les enfants cherchent les oeufs cachés dans des arbustes, à Pâques.
« Le mot, je cherche d'abord à ce qu'il soit beau. Je suis quelqu'un de simple. J'évite d'avoir des chemins tordus pour dire l'essentiel. C'est ça, ma pâte artistique, ce que les gens aiment en moi depuis trente ans. La musique vient, de manière instinctive. Ce que je recherche sur scène ? L'échange, le partage. La chanson « Le geste d'amour », je l'ai écrite en 1981. Elle dit ceci : « J'affirme la nécessité du geste d'amour, Je suis le paysan, Vous êtes mes labours. » Si on n'aime pas, on va dans le mur. Cette chanson, je l'ai gardée dans mon tour de chant. Le don d'organes, ça fait partie du geste d'amour, du pari de la vie.
« À la fin de mes spectacles, maintenant, j'ai des réactions extrêmement émouvantes. On me félicite de dire publiquement « merci » au donneur. On me tient les mains. En général, on ne se dit rien : ce n'est pas simple de trouver les mots justes. Tout ça relève tellement de l'intime. Je continue à penser que quelqu'un est mort pour que je vive. « Je suis organe de toi » ? C'est une ode à la fraternité, à la vie. »
Recueilli par
Gaspard NORRITO.
source : http://www.ouest-france.fr/actu/actu_Pd ... 0_actu.Htm