edit : donc avec l'autorisation de l'auteur :
source : http://peps.id.st/charlie-s-track-05-ou ... e-a4457190J'veux qu'mes chansons soient des caresses
ou bien des poings dans la gueule"
Renaud...
Comment dire ?... Renaud, c'est mon premier vrai grand coup de coeur en chanson française.
Je me rappelle très bien avoir entendu, à la fin des années 70, en vacances et à l'arrière de la voiture familiale, un "tube" qui passait pas mal sur les radios périphériques : Laisse béton que ça s'appelait. Je devais avoir 7-8 ans. J'aimais bien, ça me faisait rire. Tout comme Marche à l'ombre, un rien plus tard (j'avais 9 ans). Voilà deux chansons qui me faisaient vraiment marrer. Y'avait plein d'argot et de gros mots dedans. Le bonheur.
Renaud, c'est un des premiers à m'avoir donné le goût de l'argot. Avec mon grand-père maternel, un ouvrier qui ne savait pas faire trois phrases sans placer au moins un mot d'argot dedans. J'aimais bien l'écouter parler. Mon grand-père paternel aussi, j'aimais bien l'écouter (j'aime toujours l'écouter, parce que j'ai la chance de toujours l'avoir, lui), même s'il plaçait moins d'argot dans son vocabulaire, tout ouvrier qu'il fût aussi. Aucun des deux n'écoutait de musique, à part des chansons populaires à la radio, quand il en passait. Ils connaissaient surtout des chansons des années 30 à 50. Le reste de mon amour pour l'argot est venu des vieux films aux génériques desquels on trouvait les noms de Gabin, Audiard, Aurenche, Jeanson, Blondin, Jouvet, Arletty, Simon, Blier, Ventura, Carné, Renoir, Autant-Lara, Grangier, Granier-Deferre, Verneuil... etc... et que la télévision à trois chaînes nous jouaient régulièrement. Puis vint l'époque de la lecture assidue de San-Antonio pour parachever mon enseignement. De bons souvenirs, vraiment.
Et donc, Renaud. Longtemps associé à ces deux chansons fondamentales.
Un jour, mon oncle, dont je vous cause souvent mais que je ne vous ai jamais présenté... Tiens, c'est l'occasion... Je vais donc vous le présenter. Mon père est l'aîné d'une famille de cinq enfants (catholique et ouvrier, ça pardonne pas). Son plus jeune frère a 11 ans de moins que lui. Il est né en 1956. Ça veut dire qu'au tournant des années 80, il n'a pas encore 25 ans. Il est lui aussi ouvrier et il écoute de la musique de jeunes depuis la fin des années 60, avec sa soeur, née en 1953... La génération du Renaud, quoi. Ils écoutent Pink Floyd, Neil Young, Supertramp, Status Quo... et puis Maxime Le Forrestier, Alain Souchon... la "nouvelle chanson française", comme on disait à l'époque...
Un jour, donc, au début des années 80, ils débarquent tous les deux chez nous (oui parce qu'eux sont toujours dans la région stéphanoise alors que nous, on est déjà installé dans le sud) pour quelques jours de vacances. A l'occasion d'une descente dans un magasin de disques avec mon père, ils se ramènent avec les albums Place de ma mob, Le retour de Gérard Lambert et Marche à l'ombre. Mon père a aussi acheté ce dernier. Je dois avoir autour de 10 ans. J'userai ce disque jusqu'à la corde ! (enfin non, je l'ai encore et il est toujours très écoutable).
Tignasse en bataille et en sueur, blouson de cuir, bandana, vitre cassée, regard qui tue, gueule d'ange mais patibulaire quand même, je le trouve rigolo, ce Renaud.
Dans ces trois albums (Place de ma mob - Marche à l'ombre - Le retour de Gérard Lambert), j'aime tout. Je n'y vois rien à jeter. Ce sont toujours mes trois albums préférés. Avec mon frangin, on s'est fait une cassette des deux albums qui ne se trouvent pas en vinyle dans la discothèque paternelle et on la déroule assez souvent. Je me souviens aussi d'une nuit blanche, avec mon frère et mon cousin, à l'époque de Mistral Gagnant, où on avait passé toute la nuit à écouter (et à chanter parfois, voire à gueuler à tue-tête !) toutes nos cassettes de Renaud jusqu'au petit matin, avec une mention spéciale pour notre live culte : Un Olympia pour moi tout seul. Mémorable.
Ce qui me plaisait surtout chez Renaud, outre le côté "rebelle" et "engagé" (quoique je ne m'intéresserai à la politique que beaucoup plus tard), c'était son humour. Sa façon de trousser ses textes et son humour. C'est d'ailleurs ce que je finirai par regretter le plus au fil du temps, son humour. Si présent au début, s'estompant légèrement au fil des années 80 pour ne plus apparaître qu'épisodiquement mais trop rarement par la suite. Un Renaud sans humour c'est comme un plat de nouilles sans sel ou un matelas sans oreiller, c'est quand même vachement moins bien.
Pour l'heure, puisque mon père possède ce disque, je l'écoute beaucoup.
Incontestablement, ma chanson préférée est alors ce Où c'est qu'j'ai mis mon flingue ?, provocation anarchiste de premier ordre, bête et méchante, réglement de comptes avec les "joies" de la célébrité naissante, où chaque couplet, chaque vers, chaque mot est un condensé de dynamite qui te saute à la gueule. Un régal. Aujourd'hui encore, je l'écoute avec la même jubilation qu'à 14 ans. Un miracle.
Au fil du temps, une autre chanson de cet album rentrera au panthéon de mes chansons préférées : Mimi l'ennui.
Renaud - Mimi l'ennui - (1980)
Malgré un saxo dégueulasse et une couleur sonore limite, la mélodie et le texte emportent l'adhésion. C'est émouvant, triste (mais parfois amusant aussi), hyper réaliste, superbement bien rendu et bien brossé. A chaque fois, je vois les images et je ressens tout. La grande classe.
A une époque, dans ces moments de l'adolescence où on se sent parfois au fond du trou sinon au bord du gouffre, et qu'on cherche désespérement quelques branches auxquelles se rattraper, je fus content d'avoir pu attraper au vol la branche Renaud... Elle fait à jamais partie de mon arbre de vie.
Enfin, je peux pas vous laisser sans la touche d'humour finale. Une "chanson" qui divise les afficonados eux-mêmes. Une chanson sur laquelle se sont étripées les grandes plumes du forum du HLM de Renaud lors de mémorables joutes verbales, une chanson improbabale qui ne ressemble à rien et c'est pour ça qu'elle est indispensable. La pirouette finale de ce magnifique album : Pourquoi d'abord ? !
Renaud - Pourquoi d'abord ? - (1980)
Moi, cette voix de gamin joyeusement interprétée et massacrée par un Renaud en grande forme m'a toujours rendu hilare. Couplée à un texte pas piqué des vers collé sur une musique de troubadour pseudo-médiévale, ça fait ma journée. Je m'en lasse pas. Oui, vraiment, il fallait 10 chansons, sur ce disque.
J'en ai profité pour ré-écouter Mimi l'ennui ! ça faisait un bail !
Ce que j'ai pu l'écouter l'album Marche à l'ombre, à la fin j'en étais à réparer la bande magnétique de la cassette avec des bouts de scotchs !