Braquage qui a eu lieu avenue Bosquet à Paris dans une agence du Crédit Lyonnais le 3 décembre 1975 pour se terminer par la mort d'un des gangsters Rue Pierre Charron. Quelques photos (âmes sensibles s'abstenir) à la fin de ce message.
Le commissaire Robert Broussard revient sur ce braquage avec prise d'otages dans son livre "Mémoires" (chez Stock - 26/10/2005 - 704 pages) dans un chapitre consacré à la guerre des polices d'alors.
Commissaire Broussard - Mémoires - par Philippe Broussard, Robert Broussard - Stock – 26/10/2005 – 704 pages
Voilà le descriptif du bouquin :
et voilà ce qu'il raconte de cette affaire :« Voilà bientôt dix ans que j'ai cessé d'être policier. Dix ans aussi qu'ont paru mes Mémoires aux éditions Plon : le premier tome, publié début 1996, consacré essentiellement aux années passées à la tête de la brigade antigang ; le second, publié début 1997, revenant notamment sur mon expérience de préfet de police en Corse et sur la création du RAID (1985). Ces livres sont désormais introuvables. D'où l'idée de les republier chez Stock en un seul volume en rééquilibrant ici le texte, ailleurs en révélant des dessous d'affaires dont je ne pouvais alors pas parler. Très souvent sollicité par les médias et les organisateurs de conférences, j'ai pu constater à quel point le public était encore fasciné par les histoires de flics et de truands. De ce point de vue, les années 1970 ont marqué les esprits avec la traque d'hommes comme Jacques Mesrine, François Besse ou encore Jean-Charles Willoquet, mais aussi de multiples prises d'otages. Ainsi, plusieurs affaires, peu traitées dans les premières éditions, occupent cette fois une place plus importante. Quant au volet Mesrine (plus de 60 pages), il a été complété en fonction des derniers développements judiciaires. Si l'on en juge par le nombre de documentaires et de projets de longs métrages consacrés au sujet, l'intérêt du public demeure entier. D'un chapitre à l'autre, l'objectif ne varie pas : raconter de l'intérieur le quotidien d'une brigade comme l'antigang ou le RAID, confrontée à diverses formes de criminalité, braquages, prises d'otages, enlèvements? » Philippe Broussard est né en 1963 et vit à Paris. Journaliste au Monde, il est l'auteur de deux ouvrages parus chez Stock : La Prisonnière de Lhassa, avec Danièle Lang (2001) et, Capitaine, avec Marcel Desailly (2002).
Un braquage venait d'être perpétré contre une agence du Crédit Lyonnais, avenue Bosquet (VIIe). Surpris par l'arrivée d'une équipe de convoyeurs de fonds, les trois truands avaient déclenché une fusillade.L 'un d'entre eux avait réussi à s'enfuir, tandis que ses complices s'étaient retranchés dans la banque avec une vingtaine d'otages.Ils exigeaient deux millions de francs, une somme équivalente en dollars, ainsi qu'une voiture.
Depuis le car de commandement, en stationnement à proximité de la banque, nous étions, Marcel Leclerc et moi, en liaison téléphonique avec les truands. L'un, à l'accent maghrébin, paraissait assez calme ; l'autre, incohérent et nerveux, hurlait : "Il faut qu'on en abatte un pour qu'on nous prenne au sérieux ?"
Comme toujours s'ouvrit le bal des conseillers en tout genre. Policiers, gendarmes, magistrats, avocats, politiciens de tout bord, venus proposer leurs services, témoigner leur solidarité. Accordons leur le bénéfice du doute et de la sincérité. Mais nous n'étions pas dupes : quelques opportunistes de salon rappliquaient seulement pour parader ! Amusant manège que celui de ces « amis » de fraîche date qui tournoyaient dans notre dos dans l'espoir de passer dans le champ des caméras !
De ce point de vue, toutes les prises d'otages se ressemblent. Les journalistes ayant rarement la possibilité d'approcher les policiers et les magistrats en charge des négociations, ils se rabattent, faute de mieux, sur les personnes qui peuvent éventuellement émettre un avis sur la question : anciens flics, psychologues, avocats... Il s'en trouve toujours un, refoulé aux barrières de sécurité, qui a son mot à dire. Entouré d'une foule attentive, avide d'accéder à l'écran magique, il parle, sans forcément savoir, mais il parle... Chaque fois, cette agitation nous agaçait au plus haut point. Nous essayions de l'éviter en restreignant au minimum l’accès à la cellule des responsables. Nous savions qu'en cas de coup dur ce serait à nous, et non aux éphémères « consultants » de rendre des comptes. En cherchant coûte que coûte l'isolement, nous étions parfois un peu rudes avec les visiteurs. On ne se fait pas que des amis...
Dans le courant de l’après-midi, Charles Pellegrini vint nous rejoindre avenue Bosquet. Il était à l'époque chef adjoint de l'ORCB et je le connaissais depuis des années.
[…]
Officiellement, Charles Pellegrini et trois de ses collaborateurs nous avaient rejoints avenue Bosquet en qualité d'observateurs pour « renseigner la hiérarchie ». « Tu comprends, s'il devait y avoir des prolongements en province... » m'avait prévenu « Pel ».
[…]
Le 3 décembre 1975, les négociations progressent cahin-caha, alternance d'accalmies et de poussées de fièvre. Aux environ de 20 heures, les truands tirent quelques coups de feu pour faire croire qu'ils ont abattu le fondé de pouvoir de la banque. Plus tard, dans la nuit, l'un d'eux sortira de l'agence avec un otage :
Donnez-nous l'argent, bande de salopards, on va tous les tuer !
La foule, stupide comme sait l'être une foule, dans certaines circonstances, répondra par des cris contre le « laxisme » des flics, incapables d'abattre le voyou. Et l'otage utilisé comme bouclier humain ? Et le complice retranché à l'intérieur ?
Sous la pression des syndicats, le Crédit Lyonnais consent à verser l'argent. Comme le CIC, quelques mois plus tôt, avenue de Breteuil, la banque va payer.
A 1 h 23, les truands sortent, coiffés de cagoules rouges. Abrités derrière un parapluie pour se protéger de nos tireurs d'élite, ils s'engouffrent dans une Fiat bleue. Les deux sacs de billets sont posés sur le siège avant. L'un des malfaiteurs est au volant, son complice à l'arrière avec deux femmes otages.
La Fiat roule vers le pont de l'Alma, puis accélère brutalement en empruntant l'avenue George-V en direction des Champs-Élysées. Nos voitures l'ont prise en chasse, de même qu'un véhicule de l'ORCB. « En renfort, au cas où... » m'a dit Pellegrini. Je n'ai pas vraiment le temps de penser à ces bisbilles inter-services. Sur l'avenue presque déserte, nous suivons les truands de près. De trop près, à leur goût. Le chauffeur pile, descend avec son fusil à canons sciés :
Si vous continuez, on tire !
Il se rassoit au volant, repart à toute allure. A l'arrière, son complice nous braque. Nous continuons tout de même la poursuite : il n'est pas question de perdre leur trace. Nous espérons même profiter d'une fausse manœuvre pour les bloquer.
Rue Pierre-Charron, ils grillent un feu et heurtent une Citroën GS qui remontait la rue François Ier. Les passagers de la GS, deux députés de retour de l'Assemblée, s'extirpent de la carcasse. Le conducteur de la Fiat ouvre sa portière, en tenant son fusil. Les rares témoins de la scène plongent sur les trottoirs. Le truand, à la recherche d'une voiture de rechange, se précipite vers un taxi. Les deux touristes britanniques qui sont assis à l'arrière vont connaître la plus grosse de leur vie : le malfaiteur leur crie de descendre, tandis que son complice attendant dans la Fiat accidentée, avec les otages.
Nous avons déjà bouclé tous les accès du carrefour, sans intervenir car le chauffeur et les touristes sont trop exposés. Les inspecteurs de la BAC se sont répartis les rôles instinctivement. L'habitude de l'action collective...
Cette habitude, nos collègues de l'OCRB ne l'ont pas, du moins pas avec nous. Ignorant sans doute l'épisode de l'accident, ils surgissent dans leur R16, doublent nos voitures, prennent un virage sur les chapeaux de roues et empruntent la rue François-Ier à contresens, de façon à bloquer le taxi. Ils croient probablement que le truand cherche à fuir alors que, pour l'instant, il veut seulement faire sortir les touristes et changer de voiture.
La fusillade éclate. Elle va durer un long moment, des secondes qui paraîtront des heures. Les deux policiers tirent sur le taxi qui sera transpercé de sept balles ! Aucune n'atteindra le chauffeur ni les deux Britanniques recroquevillés sur le plancher. Le truand ne semble pas avoir été touché. Une arme dans chaque main, il revient sur ses pas et se pose devant l'entrée d'un magasin. Je me trouve à une trentaine de mètres de lui, rue Pierre-Charron, avec Roland Bernard et Loïc Janot. Je tire à deux reprises. Ce seront là deux des trois coups de feu de toute ma carrière, alors que j'ai entendu siffler les balles une bonne vingtaine de fois.
Touché à une cuisse, le preneur d'otages tombe à la renverse. Il parvient tout de même à redresser le buste pour continuer à tirer, en position assise, avant de s'écrouler définitivement sous les balles d'un inspecteur. Il s'agit d'un jeune truand marseillais, surnommé « Cox ».
Son complice est descendu de la Fiat, la tête en sang, blessé au cuir chevelu. Un 357 Magnum dans une main, un fusil à canon sciés dans l'autre, il « arrose » dans toutes les directions. Nous essayons de l'encercler à sept ou huit (donc les deux inspecteurs de l'OCRB), mais il se remet à l'abri dans la voiture, les armes à la main, couché sur les otages. Accroupi le long de la portière arrière droite, je l'exhorte à se rendre. L'une des deux femmes ne me facilite pas la tâche. Elle ne cesse de crier : « C'est de votre faute ! C'est de votre faute ! ». On a beau connaître ce type de réaction, on ne s'y habitue jamais vraiment...
A l'issue d'une brève empoignade, le truand est finalement maîtrisé et les femmes libérées. Nous récupérons la rançon et l'arsenal des braqueurs, à savoir deux fusils, trois revolvers et une centaine de cartouches.
Compte tenu de l'accident et de la fusillade, nous avons eu de la chance cette nuit de décembre 1975. Il s'agissait d'une réussite pour notre brigade, même si nous aurions évidemment préféré arrêter le truand et non le tuer. Les inspecteurs de l'OCRB, par leur comportement intempestif, avaient failli tout faire échouer. Les journalistes, qui nous avaient suivis depuis l'avenue Bosquet, pouvaient en témoigner. Et ils le firent savoir.
La presse salua le « triomphe » (France-Soir) ou le « joli coup double » de l'antigang (Le Point), allusion aux deux affaires de la semaine, l'arrestation de Willoquet et l'avenue Bosquet. Mais les médias eurent tendance à trop personnaliser ce succès, à m'attribuer tous les mérites de l'opération. Or, je n'avais pas cherché à avoir le beau rôle. J'avais fais mon métier, rien que mon métier à la tête de mes hommes.
Pellegrini n'apprécia pas cette présentation de la presse et le fit savoir : trop pour l'antigang, pas assez pour l'OCRB. Bizarrement, quelques échos parurent ça et là, pour contester ma version des faites. A en croire ces articles, tout le mérite de l'opération revenait à l'OCRB. Des « infos » puisées, on s'en doute, à des sources policières dénuées de toute arrière-pensée boutiquière... On put lire, par exemple, cette explication tendancieuse : « Ce sont deux inspecteurs de l'OCRB qui ouvrent le feu. Ils tuent « Cox », blessent Manuel et délivrent les otages ».
L'un des inspecteurs revendiqua, haut et clair, la mort du truand. L'enquête et les expertises aboutissaient pourtant à d'autres conclusions. Mais s'il le souhaitait, si cela pouvait soulager les échotiers et satisfaire sa gloriole, je lui accordais volontiers le bénéfice de cet « exploit »... Tout comme il m'aurait accordé, je n'en doute pas une seconde, le privilège de porter le chapeau si le chauffeur de taxi ou ses clients avaient été blessés ou tués à cause de sa magistrale entrée en scène.
Ces querelles stupides firent quelque bruit dans la grande maison. La direction finit par s'en émouvoir. Afin d'apaiser les esprits, elle nous conseilla, à Leclerc et à moi, de limiter nos contacts avec les journalistes.
On peut voir Renaud sur ces photos ! Cherchez bien !
Renaud a évoqué pour Le Monde ce fait divers :
source : http://www.sharedsite.com/hlm-de-renaud ... harognardsRenaud (Le Monde) : " Le 5 décembre 1975, y'a eu un hold-up avec prise d'otages, dans une banque de l'avenue Bosquet à Paris. Les mecs se barrent vers 2 heures du mat au volant d'une super bagnole que les bourres leur avaient prêtée, avec dedans 2 otages, 500 briques et quelques lingots. A l'angle de la rue François 1er et de la rue Pierre Charron, ils se plantent de plein fouet dans la SM d'un politicard qui s'en revenait peinard du Sénat où venait de s'achever un débat sur la répression du banditisme et des prises d'otages. Les flics qui suivaient pas très loin derrière profitent de l'accident pour défourailler et canarder les deux mecs (...). C'était la première fois que je voyais un mort. (...) L'autre agonisait plus loin sous les crachats du bon peuple parisien et les insultes des flics.(...) Bien qu'ayant perdu son sang dans le caniveau pendant plus d'une demi-heure avant l'arrivée d'une ambulance, (...) l'agonisant a survécu aux balles dum-dum de l'antigang et à la haine du badaud. Il était d'ailleurs unanime le badaud. Unanime dans sa haine de l'Arabe, du blouson d'cuir, du voleur qui lui vole son argent dans sa banque, unanime dans son admiration pour ces braves policiers qui, décidement, font un métier dangereux. Tiens ? Pas loin, y'a un badaud unanime, en cuir clouté, qui s'fait prendre à partie par un groupe de manteaux gris. Il dit qu'les flics ont la détente facile et que c'qu'y vient de voir s'appelle une mise à mort. " Et si z'avaient pris ta mère comme otage ! " lance un mec. " Et si c'était ton fils le type qui créve par terre en ce moment ! " qu'y répond. Y'a du lynchage dans l'air, j'me barre. (..)
J'rentre chez moi et j'écris " Les Charognards. ".
A noter qu'il se plante sur la date. On retrouve pourtant cela recopié x fois aux 4 coins du net .
Dans le livre « Le crime à l'écran : le fait divers criminel à la télévision française ( 1950 – 2010 ) » de Claire Sécail chez Nouveau Monde Editions , on peut avoir quelques éléments sur le traitement médiatique de ce fait divers :
Si quelqu'un sait où trouver les 2 passages des JT évoqués dans ce passage, c'est cool.Roger Gicquel, soucieux de corriger une réputation entachée par des réflexes de dramatisation jugés excessifs, évoque enfin sa propre expérience rocambolesque dans « La violence et la Peur », racontant avoir fait lui même preuve de cette responsabilité individuelle qui tient lieu de déontologie en préférant censurer la prise d'otages du Crédit lyonnais de l'avenue Bosquet, le 3 décembre 1975. L'information était tombée dans la matinée et une équipe s'était aussitôt rendue sur les lieux du drame afin de préparer un direct pour le journal de 13 heures. Le dispositif médiatique est alors mis en place pour suivre les événements : étapes de la négociation avec les deux malfaiteurs, la réclamation d'une rançon, la libération des 30 otages, etc., bref, « tous les éléments d'un suspense à faire vivre en direct à 15 millions de téléspectateurs ». Mais alors qu'Yves Mourousi s'apprête à prendre l'antenne du 13 heures, une balle fuse dans le studio : l'équipe est dans le champ de tir de la fusillade qui vient d'éclater. Roger Gicquel assiste à la scène. Envisageant déjà le journal télévisé de 20 heures, il juge néfaste l'effet de dramatisation qu'engendre le direct et considère que « spectacle de cette banque assiégée est sans intérêt réel pour les téléspectateurs ». En accord avec son rédacteur en chef Christian Bernadac, il se contente de décrire brièvement l'information dans l'édition de 20 heures sans montrer une seule image, afin de ne pas « donner la vedette aux preneurs d'otages » ni influencer « certains esprits faibles ». Le lendemain, alors qu'Antenne 2 n'avait pas renoncé à diffuser les images de la fusillade, le présentateur de la deuxième chaîne Guy Thomas se dit choqué de l'autocensure de son confrère.
Le fait divers trouve son dénouement dans la journée du 4 décembre : après une nouvelle fusillade l'un des malfaiteurs est tué, l'autre rapidement arrêté. La morale ayant triomphé, Roger Gicquel peut enfin, dès le soir même, proposer une longue narration en image du fait divers, insistant sur « les questions posées » par l’événement.
Christian Laborde revient sur cet évènement dans une note (la 50) de son livre sur Renaud "Briographie" en précisant :
Voili voilàLes deux hommes ont tenté de braquer une succursale du Crédit Lyonnais, avenue Bosquet, dans le 8e. Afin de se faire remettre l'argent, ils prennent des otages. La police arrive, quadrille les lieux. Les deux hommes demandent une voiture et s'enfuient avec deux otages. Dans leur fuite, ils percutent, rue Pierre-Charron où se trouve Renaud, un autre véhicule avec à son bord deux députés : Jean Briane, député de l'Aveyron, et Gilbert Gantier, député de Paris qui vient de déposer une proposition de loi visant à aggraver les peines encourues par les preneurs d'otages. La police ouvre le feu : un des bandits, Ali Briani, est abattu. L'ordre de tuer avait été donné aux policiers par le ministre de l'Intérieur, Michel Ponioatowski.
Finalement, y'a pas grand chose qui a changé depuis.
Voici quelques photos de l'événement par Jean TESSEYRE :
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et une de Manuel Litran
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et puis par GERY Gérard :
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Les images s'affichent aléatoirement chez moi, en copiant collant le lien des images dans mon navigateur elles apparaissent.