sauf que...

[lucien]

Si Dieu existait, jamais il aurait inventé cette soirée. La chiasse, et plus de P.Q. Juste un regard levé vers le Ciel, et la merde au cul.

J’ai relevé mon pantalon, plein de fierté, et je suis retourné au bar, rejoindre mon âme qui veillait sur mon verre, c’était sa mission, on s’était mis d’accord elle et moi, moi les trucs genre « rien de ce qui est humain ne m’est étranger, d’ailleurs je vais faire caca », et elle « ok, je fais gaffe à ton verre ». Sauf que.

Sauf que cette nana m’a dit « t’aurais pu te raser, pour notre première rencontre ».
- Oui.
- Rien de ce qui est humain ne t’est étranger, hein !?
- Comment tu le sais ?

Voilà. C’est comme ça qu’on s’est retrouvés chez moi, grâce à mon incroyable sens de la répartie qui tue. Je pouvais pas encore deviner que je venais de commettre une grave erreur. Ca a duré un mois comme dans un rêve, on baisait souvent, on buvait de la bière et on se posait pas de questions, ni sur ce qui nous arrivait, ni sur nos passés respectifs. Elle s’appelait Sandra. Je bidouillais des trucs électros inécoutables, et Sandra lisait des bouquins. C’était bien, c’était simple et évident comme quand le jour tombe et qu’on ressent pas le besoin d’allumer la lumière.
Sauf que. Sauf que, ça va de soi, ça pouvait pas durer.

Un soir, elle est rentrée avec un mec, qu’elle m’a présenté comme son frère. Aujourd’hui encore, je ne sais pas si c’était vraiment son frère : toxico, bien barré, et d’une grande intelligence, largement au dessus. Il s’est installé avec nous, la aussi ça paraissait simple et évident, on avait des discussions interminables où personne ne faisait trop le malin ni ne cherchait à convaincre personne. Il faisait des allers retours dans la salle de bains, et on voyait ses yeux se fermer sur des trucs qu’il était seul à voir, ça avait l’air de lui plaire.
Et petit à petit, insidieusement, comme une chanson qu’on entend pour la première fois mais qu’on est persuadé d’avoir toujours connue, sa vision du monde s’est imposée à moi. C’est dans la destruction qu’on trouve le seul plaisir qui vaille la peine ; les enfants l’ont bien compris, qui abandonnent leurs jouets dès qu’ils sont maîtrisés, et qui donnent des coups de latte à leurs merdes en légo.

Ensuite j’ai tout oublié.

Je crois que c’est Sandra qui a proposé cette virée. Les fils de la bagnole pour la faire démarrer, c’était facile, je m’en suis occupé, et j’ai conduit, à fond et la bouteille coincée entre les jambes, à portée de main. Je sais pas d’où ils ont sorti leurs flingues, mais ils visaient plutôt bien. Ca m’a rappelé une nouvelle de Bukowski où un type se réveille avec plein de gros boutons bleus, partout. Il prend un fusil et tire sur tout ce qui bouge, il veut embarquer le plus de monde possible dans son suicide. Puis les boutons bleus disparaissent…Sauf que là, pas de boutons bleus, pas de littérature, juste des flics hyper entraînés qui nous ont pas ratés. La voiture a dérapé, je me suis barré à pied, je pensais pas être capable de courir aussi vite aussi longtemps ; je ne me suis pas retourné, je savais qu’ils étaient morts tous les deux, je savais que c’est précisément ce qu’ils voulaient, les coups de latte dans les légos, et que ça se voit.

J’aimerais bien pouvoir tirer une conclusion de tout ça. Mais faut avouer que je cherche pas trop.

[Elle]

Moi aussi j'aime bien Michel Houellebecq.

[Peps]

Classe, lucien.

J'aime beaucoup.





Et je connais pas Houellebecq.

[lucien]

Houellebecq???

j'avais démarré les particules élémentaires, mais je m'en souviens plus.

[Peps]

J'ai fait pareil avec les cours élémentaires.

[Elle]

En sortant tout juste de l'extension du domaine de la lutte, j'avais juste l'impression de lire l'épilogue.

[lucien]

Et je dois tenir compte de ton message, ou faire comme si t'avais rien écrit?

C'est censé dire que ça te plait, ou que je copie un truc dont j'ai juste vaguement entendu parler? Ou qu'il y a rien de nouveau, ce dont je me tape d'ailleurs complètement..? Ou quoi?

[Elle]

Ah parce que c'est important de savoir ce que j'en pense ?

M'en fous de la réponse, mais vais le dire quand même.

J'aime beaucoup.

C'est intriguant, comme il faut. Bien ficelé, bien écrit. La chute est pas abrupte. Le début donne envie de lire la suite. On sait pas où on va mais on te fait confiance parce qu'on sent que tu nous emmènes quelque part.
Le contenu me plaît. Parce que c'est à côté de ce qui est "convenant". Que cela peut surprendre voire choquer. Que cela flirte grave avec les limites psychosociales qu'on s'autorise. Et que, bien évidemment, je m'y retrouve quelque part.

En gros, j'aime beaucoup.

Par contre, Houellebecq, overdose mortelle là. je crois que je vais arrêter et commencer Barbara Cartland, histoire que ça me remette dans un état d'esprit plus socialement approuvé.

[Lucyanne]

Classe, lucien.

J'aime beaucoup.





Et je connais pas Houellebecq.

Tout pareil.

[jpeg]

J'aimerais bien dire ce que j'en pense mais je sais pas quoi en penser

[lucien]

C'est un assez bon résumé, je trouve.

Tu connais bien Houellebecq, jpeg, si je me rappelle...

[Elle]

T'as pris 2 raccourcis magnifiques pour me faire dire l'inverse de ce que je pense.

Tu es décevant finalement. Comme le reste du monde.

[Elle]

Dès fois, j'aimerais bien vivre dans un roman. Même mauvais....

[lucien]

Vous pouvez pas aller vous aimer virtuellement ailleurs que dans mon topic romantiquement désespéré? Hum?

[Elle]

Bon.

Je vais me pieuter.