Portraits Suite101, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 16 décembre 2009.

Renaud chante les grandes causes de sa vie

Les grands combats de la vie du chanteur en paroles. Si l'on trouve dans la quasi-totalité de ses albums des titres dédiés à sa femme et à sa fille, d'autres thèmes lui ont été chers tout au long de sa carrière.

Renaud a toujours défendu certaines valeurs. Même s'il les a exprimées de manière plus ou moins engagée en fonction de la période de sa vie, elles ont été en permanence évoquées dans chacun de ses albums.

Le monde ouvrier :

Sa sensibilité de gauche l'a rapproché de ce monde qu'il affectionne particulièrement.

Dès le premier album, « Camarade Bourgeois » sonne comme une provocation à la société et à ce monde à l'opposé du sien : « camarade bourgeois, camarade fils à papa ».

Sur « Laisse béton », il nous décrit dans « La chanson du loubard » l'univers paumé d'un gamin de banlieue: « à quatorze ans mon paternel m'a fait embaucher à l'usine, deux jours plus tard j'ai fais la belle ». Ce loubard c'est des dizaines de fils d'ouvriers livrés à eux-mêmes dans des « banlieues merdiques ».

Ces banlieues, il les décrit autrement dans « Banlieue Rouge ». La Banlieue Rouge, c'est la banlieue des années 70, à l'extérieur des villes, ou sont parqués les ouvriers dans des barres HLM plutôt chic à l'époque. Les loyers attractifs tout en travaillant « sur le parking de Carrefour » ont à l'époque attiré beaucoup de monde dans la « cité Lénine, une banlieue ordinaire ».

Les ouvriers, il les évoque également dans « Rouge Gorge », même si cette chanson est avant tout dédiée au Paris de Doisneau, un « prolo ordinaire ». Il dénonce la disparition d'un quartier au profit d'intérêts financiers dont les « petites gens » qui « iront gentiment peupler les banlieues » sont les victimes.

Mais sa plus belle évocation du monde ouvrier se trouve dans les textes de « Son bleu ». Ce portrait d'ouvrier licencié qui perd toutes ses illusions après des années de labeur (« qu'est ce qu'il va faire de son bleu, d'son drapeau rouge, de son Lénine, c'est toute sa vie qu'était dans sa machine ») est un véritable plaidoyer en faveur d'une classe toute entière victime de restructurations ou délocalisations.

Renaud défenseur du peuple ? Un rôle sur mesure, toute comme celui de Lantier dans « Germinal ».

Le racisme :

Il a porté la petite main jaune sur son blouson dans les années 80. Mais il avait déjà abordé ce thème précédemment.

Dans « Les Charognards », il caricature la pensée de quelques uns envers les premiers afflux d'immigrés d'Afrique du Nord « j'suis pas raciste mais quand même les bicauds, chaque fois qu'y a un sale coup, bah il faut qu'ils en soient ». On retrouve ce thème aussi dans « La chanson du loubard » dans laquelle Renaud, en décrivant la vie du gamin d'ouvrier, intègre d'ores et déjà le phénomène de l'immigration croissante en prêtant ces mots à Mohamed : « La France est une banlieue merdique ».

Dans son album suivant, nous faisons connaissance avec un autre indésirable : « Salut Manouche », le manieur de couteaux « toi tu t'prends toujours pour Cartouche », le voleur à la petite semaine « tirer la bagnole à un cave », dont l'arrivée en banlieue terrorise le quartier « ma mère m'a dit qu't'avais l'air louche ».

Le portrait le plus touchant reste cependant celui de Slimane, fils d'immigré venu chercher fortune dans son eldorado, dans « Deuxième Génération ». Gamin perdu à La Courneuve, pas de diplômes si ce n'est son « CAP de délinquant », l'univers de la rue (« tu crois que la rue c'est les vacances »), la drogue (« j m'défonce avec c'que j'peux »), un sentiment insupportable de non appartenance (« là-bas aussi j's'rai étranger, là-bas non plus je s'rai personne) et une mort à petits feux en guise d'avenir (« j'me suis inventé des frangins, des amis qui crèvent aussi »). Une composition très touchante.

Renaud défenseur des opprimés ? Certainement oui !!! Bien plus que sa « facho ».....qui vote qui déjà ?

Flics et militaires :

« Lui les flics, les curés et pis les militaires, les a vraiment dans l'nez, p't'être encore plus que moi ». Tout est dit dans sa reprise du « Déserteur » de Boris Vian.

La maréchaussée tout d'abord....D' « Hexagone » (« La France est un pays de flics, à tous les coins d'rue y'en a cent, pour faire régner l'ordre public ils assassinent impunément») en passant par « Où c'est qu'j'ai mis mon flingue » (« y'a même des flics qui me saluent, qui veulent que j'signe dans leur calot, moi j'crache dedans et j'crie bien haut que l'bleu marine me fait gerber») jusqu'à « La ballade de Willy Brouillard » (« ou t'as vu qu'j'allais faire une chanson à la gloire d'un poulet »), le ton n'a pas beaucoup changé...

Les militaires ensuite (« ils sont nuls, ils sont moches et pis ils sont teigneux »), ou plutôt les guerres.

Les guerres de religion tout d'abord dans « La ballade Nord-Irlandaise » sur le conflit en Irlande du Nord (« tuez vos Dieux à tout jamais, sous aucune croix l'amour ne se plaît »), ou dans « Triviale Poursuite » (« Question d'histoire d'abord, ou est la Palestine, sous quelle botte étoilée, derrière quels barbelés, sous quel champ de ruine »).

La guerre en général ensuite dans « l'Aquarium » (« énervé par la colère, un beau soir après la guerre ») ou encore dans « La Médaille » (« Un enfant est venu aux pieds de la statue du Maréchal de France, une envie naturelle l'a fait pisser contre elle mais en toute innocence, Maréchaux assassins, le môme mine de rien, a joliment vengé les enfants et les mères que dans vos sales guerres vous avez massacrés »).

Renaud défenseur de la paix ? Incontestablement, son flingue c'est pour de faux...

Et c'est tout ?

Non bien sûr. D'autres thèmes auraient pu être évoqués tant ses griefs ont toujours été nombreux. On aurait pu citer la drogue dans « La blanche » ou dans « P'tite conne », l'écologie dans « Fatigué » ou « Morts les enfants » ou encore la religion dans « L'Aquarium ». Et aussi "Chanteurs sans frontières".

Renaud défenseur de toutes les causes ? Simplement un homme au grand c½ur.

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