Renaud en voie de réinsertion...
Renaud en voie de réinsertion...
Midi Libre , 16 mai 2002
Le piètre état du sympathique chanteur populaire nous avait laissé triste et amer. Le bonhomme revient avec quatorze nouvelles chansons. Il ne sait toujours plus chanter mais sait encore écrire.
On ne parlera pas du Phénix renaissant de ses cendres. Mais au moins de Rocky reprenant de lentraînement pour un combat qui ne sera pas le combat de trop. Franchement ça fait plaisir. Renaud on laime bien. De tous bords. Comme de tous bords la France a su aimer Brassens ou Gainsbourg. Il fait partie de ces voix qui mine de rien, même quand ça sonne plus balloche que révolution artistique, empêchent ou tentent dempêcher que notre Hexagone tourne un peu trop en rond. Un Hexagone qui ne va pas trop bien non plus, merci.
Cest donc en polytraumatisé déçu de lamour (ben oui, au bout dun certain temps les files elles se cassent) que Renaud repasse au peigne fin ses plaisirs de toujours : la liberté, linsolence, la chasse aux cons et les bons copains. Il y a donc encore de quoi faire, quitte à se pâmer un peu devant la nouvelle icône des soixante-huitards orphelins didéologie sûre (José Bové, vous lavez reconnu dans un coin de Je vis caché) et daller chercher comme dautres avant lui dans le règne animal lexemplarité des sentiments (je sais quun jour Dieu reconnaîtra les chiens...). Il y a évidemment les tours infernales de Manhattan pour un écho dinjustice partagé avec Axelle Red (Manhattan-Kaboul), il y a la Corse inexplicable et ses cagoulés, il y a surtout ce boucan denfer qui sappuie sur cette belle image sonore le bonheur se reconnaît au bruit quil fait quand il sen va... .
Couleur annoncée dès louverture avec le masque assumé dun Janus un peu fragile.
Cest Mister Hyde qui a été plaqué et Docteur Jekyll semble y croire encore, un peu. Mais pas beaucoup.
Avant de rejoindre son panthéon personnel dans un coin de paradis où René Fallet taquine le poisson au milieu dautres divinités de la chanson (Mon bistrot préféré), renaud prend comme dhabitude le temps de rire un peu. Avec Elle a vu le loup, dédramatisation rigolarde dun dépucelage féminin (une chanson quil avait testée avec succès lors de ses dernières tournées), avec toujours au rayon de ladolescence la difficulté dêtre homosexuel (Il fait pas bon être pédé / Quand tes entouré denculés...), avec le rapt dun nain de jardin aussi sur un mode musical un poil country et surtout un règlement de comptes à Saint-Germain-des-Près, qui après la crème Chantilly, met carrément le goudron et les plumes sur la chemise blanche de qui vous savez...
Bref, si les mélodies de Bucolo ou dAlain Lanty ne sont pas toujours au rendez-vous et si un ressort semble sêtre définitivement cassé au niveau de la voix, Renaud revient sur le devant.
Ca sarrose ! Ben quoi, quest-ce que jai dit ?
J-F Bourgeot