Écrits par Renaud Charlie-Hebdo, le par fr.
Mis en ligne dans le kiosque le 10 janvier 2002.

Merde à Dieu !

> Charlie-hebdo N°188 - 24 janvier 1996

Merde à Dieu ! S'Il existe Il me pardonne

Si Je devais mourir demain (et je crains de devoir, comme vous...), je crois que mon dernier petit bonheur serait d'aller pisser dans un bénitier, cracher sur les portes des églises, écrire « Merde à Dieu » sur les murs comme le fit Rimbaud enfant dans les rues de Charleville et, a, la question de Pivot : « Si Dieu existe, qu'aimeriez-vous l'entendre vous dire quand vous Le rencontrerez ? » répondre : « Dieu n'existe pas ! » plutôt que : « Maintenant tu sais ! » comme le fit Tonton.

Pourquoi, à l'approche de la mort, la plupart des hommes se croient-ils obligés de se tourner vers ce Dieu qui, invention humaine au même titre que la machine à coudre, n'a aucune raison de bénéficier d'une majuscule ? Panique devant la perspective d'un néant difficile à concevoir et trop ignoble à admettre ? Trouille devant l'éventualité d'un possible « jugement dernier » devant lequel nous aurions à comparaître ? Volonté de complaire à ses contemporains (et électeurs) survivants majoritairement croyants ?

Je n'ai jamais considéré (hélas...) François Mitterrand comme un anticlérical acharné, un athée convaincu, un insatiable bouffeur de curetons, mais la moindre des choses de la part d'un socialiste d'abord, d'un homme ensuite, qui, à travers son amour des livres, donnait l'impression de s'attacher à la raison plus qu'à la croyance, de la part du président d'un pays laïque, garant à ce titre des institutions qui affirment la séparation de l'Eglise et de l'Etat, enfin, la moindre des choses, donc, eût été de continuer à exprimer, dans ses dernières déclarations, un agnostisme prudent et d'affirmer dans ses « dernières volontés » le désir d'être enterré civilement. Une messe à Jarnac, une messe à Notre-Dame, ça ira, oui ?

C'est la revanche de la calotte, l'enterrement définitif du socialisme, l'exorcisme du Programme commun, du collectivisme, des chars russes dans nos rues, toutes ces frayeurs qui ont dû engendrer quinze années de nuits blanches chez nos curés ! Je pardonne, bien sûr, car je suis bien plus tolérant que ces enfoirés de corbeaux qui nous la jouaient chagrin mais jubilaient de ce bras d'honneur qu'ils faisaient à la République et à la laïcité en t'enterrant dans LEUR linceul, et puis je pardonne parce que Charasse nous a vengés ! Ah, ce petit homme triste, seul sous la pluie avec le chien, faisant sienne la phrase de Nietzsche : « Si vous voulez respirer de l'air pur, n'entrez jamais dans une église ! » plus fidèle à ses convictions qu'à son amitié pourtant réelle avec toi, préférant s'asseoir sur son chagrin plutôt que s'agenouiller devant l'autel et le goupillon ! À lui tout seul il a sauvé l'honneur de toute la gauche laïque et républicaine.

Même s'il est vrai que, de nos jours, ça ne représente plus grand monde...

RENAUD

Aucun commentaire

Soyez le premier à commenter !


(ne sera pas publié)