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Mis en ligne dans le kiosque le 23 février 2002.

Un Basque mouche Renaud - TU veux un Kleenex, Renaud ?

> Charlie-hebdon°189 du 30 janvier 1996

Un Basque mouche Renaud

Mon cher Renaud, ta générosité et ton grand cœur d'humaniste te font parfois dire des conneries. Sur le problème basque, une petite précision : chez les Abertzales, y a de tout : R.P.R., gauchistes, curés, difficile de lire plus éclectique. L'idée de nation basque les réunit, et, ma foi, ça ne marche pas trop mal entre eux... Bon, oui, je suis né au Pays basque, je vis au Pays basque, aime bien ma région, mais l'indépendance, j'en ai rien foutre ! Chez nous, l'école publique est menacée par les curés et les « Basques ». En plus de l'Etat, deux écoles rivées l'emmerdent : celle des culs-bénits et l'Ecole basque, l'Ikastola. Quand un gosse quitte l'Ikastola, t'inquiète pas, il va chez les curés, qui s'entendent comme larrons en foire avec les indépendantistes. Une vieille histoire, la guerre d'Espagne, tout ça...

Qui est emmerdé ? L'école laïque, comme d'habitude. Maltraitée depuis des années par un Etat qui n'a aucun projet, la voilà aujourd'hui concurrencée par des cotes privées aux dents longues. Vérité des temps modernes, le privé fait recette. Logique implacable. décote de l'accueil, l'école qui fraternise, celle qui nous mènera vers la liberté, cette chère « laïque » doit crever. l'Etat veut briser la résistance. La laïque, martelée, attaquée un peu plus chaque année, s'accroche fièrement, s'arc-boute, elle ne cédera jamais... Les indépendantistes embobinent, trouvent le pognon. Le bourrage le crânes, le discours persuasif, c'est leur truc. Et puis l'identité. Le folklore, la langue, très bien tout ça, sympa, mais que vient donc foutre le régionalisme dans une logique européenne balbutiante, certes, mais qui nous propulsera à long terme vers la grande partouze, l'Internationale ?

Oui, je sais, le Pays basque a bien son histoire, son sang versé, n'oublions pas sa farouche résistance devant la saloperie franquiste, et puis rappelons qu'il ne faisait qu'un; parlons aussi de sa culture, ses traditions...

D'accord. Mais pourquoi en faire à tout prix une revendication identitaire ? Qu'est-ce que l'identité si c'est un mirage créé par l'irrationalisme humain ? On se fout de l'identité. Ça veut rien dire. Préservons les cultures régionales, chacune doit survivre, notamment en France. Je l'admets, même si je m'en branle. Gardons tout ça, ça ne fait de mal à personne. Mais l'identité, c'est n'importe quoi !

Bon, la laïcité, c'est le langage universel, hors de toute religion. C'est une arme redoutable face au nationalisme et au fascisme. Arrêtons, une fois pour toutes, de la cocufier, et donnons-lui de véritables moyens ! Aujourd'hui plus que jamais, on a besoin d'une école publique puissante, généreuse. Depuis des années (connards de « sociales » !), on l'affaiblit. On voit le résultat. Attention. En crachant sur notre Etat qui ne branle rien, je vilipende également les flics, complices des tortionnaires espagnols. De simples militants, torturés, humiliés. Salopard de Mitterrand, qui n'a jamais bougé une oreille, et qui a même approuvé ! Les nazis des G.A.L., les flics espagnols méritent la perpétuité pour ces infamies. Droits de l'homme bafoués, derniers soubresauts franquistes, mussoliniens, les flics resteront toujours les flics. Je suis d'accord, le scandale existe. Gras, énorme... Mais les terroristes, les attentats, caca aussi. Allez, place au rationalisme, non au « nationalisme », et vive la laïcité, bordel !

Salut, Renaud!

UN BASQUE DE GAUCHE, GRÉVISTE, « GUÉVARISTE », VINGT ANS

P-S. : Ah ! Si Charlie avait 6 milliards de lecteurs...

(Je reprends tout ce que disent Val, Cavanna et Charlie depuis trois ans. Au départ, sceptique, j'ai regardé à côté de moi, pour maintenant confirmer. La logique l'emporte.)

Tu veux un Kleenex, Renaud ?

Renaud, non, je n'ai pas pleuré.

De toute façon, quand on pleure un mort, ce n'est jamais que sur soi qu'on pleure' ! Primo.

Secundo : je répugne à être méchant avec toi parce que, avant de m'en prendre au gentil poète que tu es... il y a fort à faire avec les militaires, les flics, enfin tous les sclérosés de l'imaginaire. Renaud, tes articles sur la mort de Mitterrand m'ont fait chier, et ont dû en faire chier quelques-uns.

Que tu chiales parce que c'est comme si tu perdais ton vieux, O.K. On est en pleine projection, en plein transfert collectif, comme pour tous les abrutis de la Bastille. Tu connaissais l'homme pour l'avoir rencontré, pour avoir reniflé son odeur. Que la séduction ait opéré, c'est possible, on peut comprendre. L'autre jour, j'ai bien rêvé du pape, que j'ai pourtant en horreur. Or, lorsqu'il s'approcha de moi pour me dire : « C'est bon ça : l'énergie vient de dessous les pieds ! », j'étais incapable de lui foutre mon poing sur la gueule !

Seulement voilà, il se trouve que l'homme par qui le scandale arrive est un sale pétainiste mégalo qui osait prétendre que, dans ces années-là, il ignorait le statut des Juifs! Qui a continué à fréquenter le bourreau Bousquet pour des raisons obscures, sauf celles du porte-monnaie, bref, un sale mec assoiffé de pouvoir et de prestige, un suppôt des marchés et de l'Europe du fric et des canons, un mou de la couille client du bordel capitaliste qui cependant a bien baisé la classe laborieuse en 1982, et j'en passe...

Allons, si Mitterrand avait été un type respectable, il aurait continué d'écrire du fin fond de sa Charente, et peut-être même de la poésie, en renonçant au politique... A tout le moins à ce politique-là. Alors, Renaud, si tu pleures la disparition d'un proche : rien à redire, chacun ses fréquentations. Mais que tu fasses de la retape pour le deuil à Tonton, là, nous sommes en pleine confusion... à moins que? Je suis désolé de te le dire: se mettre un chapeau sur la tête, une rosé au fion et fréquenter un gratouilleux à foulard, c'est un peu juste comme alibi.

ERIC S., PARIS

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