Portraits La Presse, le par ca.
Mis en ligne dans le kiosque le 21 octobre 2000.

Un Renaud inchangé avec d'autres cibles

> La Presse du Samedi 12 octobre 1991 D14

Un Renaud inchangé avec d'autres cibles
Brunet, Alain

°Avis aux amateurs de changement et aux dépisteurs de redondance, Renaud mène sa barque sans faire de vagues, pêche paisiblement à la ligne et se fait Marchand de cailloux, le temps d'un nouvel album qui en fera spéculer plus d'un.

«Avant-hier, un journaliste belge m'a dit qu'il n'y avait pas beaucoup de surprises sur mon disque, que personne ne serait dérouté, que mes thématiques étaient prévisibles. Je lui ai répondu que je ne faisais que ce que je savais faire, que j'aimerais bien le surprendre mais que, bon, il ne faut pas que je trahisse mon écriture, mon univers, pour arriver à mes fins», explique Renaud Séchan, quelques heures à peine après son atterrissage en sol québécois.

«Il y a des gens pour qui une certaine forme de stabilité est un gage de conséquence envers soi-même. De vieux fans m'abordent et me disent: c'est bien, tu n'as pas changé», ajoutera l'artiste.

Cool, bavard tranquille, Renaud Séchan débarque à nouveau à Montréal, le temps de présenter son p'tit dernier fait avec coeur et application.

Avec Marchand de cailloux, Renaud pitche des roches à pleines pognées sur ses nouvelles cibles. L'allégorie du marchand est simple: le marchand de sable endort les jeunes, celui de cailloux les éveille.

Dans 500 connards sur la ligne de départ, Séchan tire à gros boulets sur les compétiteurs de la course Paris-Dakar, «des fils à papa qui prennent l'Afrique pour leur terrain de jeu».

Dans Olé, il aborde le concept de la corrida comme débat de société; il tente ainsi de décrire les opposants du fameux rituel bovin, «dont les pour tiennent un discours esthète des plus articulés, mais dont les contre, avec qui j'ai tendance à être d'accord, ont des arguments si faibles, si naïfs».

Dans l'Aquarium, Séchan préfère regarder les poissons que d'observer les nouvelles ayant trait à la guerre du Golfe, dont l'implication française lui a pué au nez.

Dans le Tango des élus, la désillusion pèse lourd sur Mitterand, alias Dieu. Est-il besoin d'expliquer ?

Le beau Roch

Dans Ma chanson leur a pas plu, la suite de la première (un de ses classiques, où il se payait la tête de Lavillier, de Cabrel et autres figures importantes de la chanson française), il est question de notre beau Roch national: quand j'ai filé au Québec pour rencontrer Roch Voisine, je l'ai trouvé tellement beau mec que j'ai pris trois aspirines. Maman avait raison j'aurais dû me faire bûcheron, de chanter Renaud. Opération bidonnage...

Il y a aussi un truc sur un copain détenu, un autre sur les femmes de sa vie et les truites qu'il adore pêcher. On en passe. «Je suis un chanteur réaliste», estime Renaud, se considérant chroniqueur de la vie humaine plutôt qu'auteur de fiction.

Loin d'être sur la défensive, le Renaud. En quelques jours, il donnera plus d'entrevues aux médias québécois qu'en France en une année !

«Ici, c'est pas mon pays, allègue Renaud. Je n'ai pas à juger vos médias, c'est pas mon problème. En France, je l'ai fait; je me suis jadis déchaîné contre quelques dizaines de journalistes et toute la communauté médiatique s'est sentie attaquée. Là-bas, j'ai l'impression de passer au tribunal lorsque je me livre à un journaliste, pas ici. C'est qu'on ne m'a pas encore découvert totalement».

En France, on a effectivement fait rôtir Renaud à maintes reprises. On a écrit notamment qu'il n'était pas à la hauteur de ses orientations dénonciatrices et progressistes, que la réussite de sa carrière (et, par voie de conséquence, l'excellente santé de son compte en banque), était une contradiction flagrante et répréhensible.

«On a dit que j'étais pas un vrai et que chez moi, on buvait le thé avec le petit doigt en l'air», se rappelle l'artiste, le sourire en coin.

Il se rappelle également que la presse française avait repris une nouvelle de notre Presse, lorsque Renaud s'était acheté une maison à Outremont -qu'il occupe régulièrement, surtout au temps des Fêtes. Voir l'article de Libération et celui de La Presse

«Ici, j'assume très bien. Soit dit en passant, tout est relatif: une très belle maison ici a la même valeur marchande qu'un appartement trois pièces à Paris. Alors moi, j'avais les moyens, je me la suis payée, c'est tout. De toute façon, je ne me plains pas, jamais je n'irai chialer sur les impôts que l'État me soutire. Des gens comme Yves Montand et Alain Barrière le font, et je trouve ça odieux. Ils font au moins dix fois ce qu'un ouvrier moyen gagnera toute sa vie durant». Renaud itou.

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